DE LA MOBILISATION AU 11 NOVEMBRE 1918
Mobilisation.
Le 1er août 1914, à 16 h.35, le 128e régiment d'infanterie, stationné à Amiens (E.-M. Et deuxbataillons) et à Abbeville (un bataillon), reçoit l'ordre de mobilisation.
Concentration. — Couverture.
Le quatrième jour de la mobilisation (5 août), le régiment est transporté en chemin de fer jusqu'à Dun-sur-Meuse.
Jusqu'au 17 août, le régiment, qui appartient à un corps de couverture, organise défensivement les Hauts-de-Meuse à l'est de Dun, dans la région Brandeville – Bréhéville.
Campagne en Belgique.
Le 18 août 1914, le régiment quitte ses emplacements et gagne le Luxembourg belge en passant par Montmédy. Les 22, 23 et 24 août, le régiment reçoit le baptême du feu dans la région de Meix-devant-Virton.
Pertes : 1 officier, 66 hommes.
Retraite sur la Marne : Combat de Fontenoy.
Le 25 août 1914, le régiment reçoit l'ordre de se replier. Le 26 août, des unités du 128e sont aux avant-postes, gardant la rive gauche de la Meuse, dans la région de Sassey-sur-Meuse, La Neuville-sur-Meuse.
Le 28 août, dans l'après-midi, le régiment reçoit l'ordre de se replier en direction de Buzancy.
Le 31 août, les 2e et 3e bataillons font tête et, de 7 heures à midi, défendent avec acharnement les abords du village de Fontenoy.
Pertes du 31 août : 17 officiers, 379 hommes.
Du 1er au 5 septembre 1914, le régiment continue à battre en retraite en passant par Charmont, Heilz-leMaurupt.
Bataille de la Marne : Combats de Maurupt-le-Montois.
Du 6 au 11 septembre, le régiment livre des combats furieux à Pargny-sur-Saulx, à la ferme du Sorton, au Montois et principalement à Maurupt qui fut perdu et repris deux fois.
Pertes : 13 officiers, 462 hommes.
Poursuite. — Reprise de contact.
Le 12 septembre 1914, les Allemands sont en pleine retraite. La poursuite est aussitôt organisée. Le 14 septembre, le contact est repris au nord de Sainte-Menehould avec de fortes arrière-gardes allemandes. Vienne-la-Ville, la ferme de la Renarde, Vienne-le-Château sont pris d'assaut par le
régiment. Jusqu'au 23 septembre 1914, le régiment livre, à Servon et à Binarville, des combats sanglants pour briser la résistance de l'ennemi occupant des positions organisées.
Pertes : 19 officiers, 493 hommes.
Argonne : Bois de la Gruerie.
Puis le front se stabilise, le système de relèves s'organise. Le régiment, après un court séjour dans la région du Four-de-Paris, occupe le secteur du bois de la Gruerie.
Les Allemands sont agressifs, ils attaquent avec des moyens puissants, mais le régiment tient bon et tous les efforts de l'ennemi sont brisés par nos furieuses contre-attaques.
Les 5 et 6 octobre, les 28, 29 et 30 octobre, les 7, 8, 9, 10, 11, 12 et 13 novembre, les 18 et 19 novembre, les 2 et 31 décembre sont des journées restées célèbres par des combats durs et
meurtriers livrés dans des bois inextricables.
Enfin, le 15 janvier, le régiment est relevé et mis au repos dans la région nord de Bar-le-Duc.
Pertes : 24 officiers, 1.604 hommes.
Première offensive de Champagne : Mesnil-lès-Hurlus, Beauséjour.
Le 19 février 1915, le régiment est dirigé sur le front de Champagne. Du 20 février au12 mars,
des assauts terribles sont exécutés par le régiment dans la région de Mesnil-lès-Hurlus et de la
ferme Beauséjour.
Pertes : 12 officiers, 798 hommes.
Puis, le régiment est mis de nouveau au repos dans la région sud-ouest de Sainte-Menehould.
Offensive de Woëvre : Marchéville.
Le 1er avril 1915, le régiment quitte ses cantonnements et il est dirigé par voie de terre sur Manheulles. Du 6 au 10 avril, les bataillons attaquent les lignes ennemies établies devant Marchéville, mais les réseaux de fils de fer sont trop épais et l'attaque échoue, malgré la vaillance déployée par le régiment. Pertes : 4 officiers, 317 hommes.
Les Éparges.
Du 24 avril au 2 mai, le régiment tient le secteur des Éparges et du ravin de Sonvaux. Il résiste victorieusement à toutes les contre-attaques de l'ennemi qui veut reprendre la position des Éparges.
Pertes : 10 officiers, 473 hommes.
Les Hauts-de-Meuse, la tranchée de Calonne, le Sonvaux.
Du 9 mai au 22 juillet 1915, le régiment tient les lignes aux Éparges d'abord, où la lutte à la mine a commencé, puis sur les Hauts-de-Meuse.
Les 23 et 24 juin, le régiment attaque à l'est de la tranchée de Calonne ; il s'empare de la première ligne ennemie et résiste à toutes les contre-attaques. La 11e compagnie est citée à l'ordre de l'armée.
Les 17 et 18 juillet 1915, dans un élan superbe, le régiment reprend à l'ennemi la croupe sud du ravin de Sonvaux. Le régiment tout entier est alors cité à l'ordre de la 3e division.
Pertes : 15 officiers, 1.583 hommes.
Vaux-lès-Palameix, bois Bouchot.
Le régiment va ensuite au repos et occupe un secteur calme dans la région de Vaux-lès-Palameix –bois Bouchot jusqu'au 25 septembre.
Deuxième offensive de Champagne : Tahure.
Le régiment quitte la région de Verdun le 25 septembre 1915 pour aller en Champagne. Le 6 octobre 1915, dans un élan resté légendaire, il enlève à lui seul la butte et le village de Tahure. Le régiment quitte la Champagne le 22 octobre après avoir résisté victorieusement à toutes les contreattaques
de l'ennemi.
Pour ce beau fait d'armes, le régiment est cité à l'ordre de l'armée.
Pertes : 26 officiers, 871 hommes.
Hiver 1915 – 1916. — Les Hauts-de-Meuse.
Après un repos d'un mois, le régiment va de nouveau tenir le secteur des Hauts-de-Meuse. Il reste dans cette région jusqu'au 25 juin 1916.
Pertes : 6 officiers, 287 hommes.
La Somme : Belloy-en-Santerre.
Le régiment est transporté en chemin de fer dans la région d'Amiens, où il reste au repos jusqu'au 11 juillet 1916. A partir du 12 juillet, il est rapproché du front de bataille de la Somme et il est engagé à Belloy-en-Santerre le 22 juillet 1916.
Du 22 juillet au 23 novembre 1916, le régiment participe aux différentes attaques faites sur la Somme.
Le 16 août, il dégage les lisières sud de Belloy-en-Santerre (prise de la tranchée de Souville).
Les 4, 5 et 6 septembre, il progresse dans la direction d'Horgny et résiste à toutes les contreattaques menaçant le flanc gauche du corps d'armée. Grâce à sa ténacité restée fameuse, les autres régiments ont pu continuer leur progression vers le sud et s'emparer de Berny-en-Santerre.
Pertes : 27 officiers, 801 hommes.
Hiver 1916 – 1917.
Après les combats de la Somme, le régiment passe tout l'hiver au repos dans la région Toul –Lunéville.
Offensive de l'Aisne : Loivre, le mont Spin.
Le 28 mars 1917, le régiment est embarqué en chemin de fer et transporté dans la région d'Épernay.
Du 21 avril au 27 mai, le régiment est engagé d'abord à Loivre, puis dans la région du Pont-du-Godat. Le 4 mai, il participe en première ligne à une attaque d'ensemble en direction du mont Spin. Après l'attaque, bien qu'ayant des éléments très en flèche par rapport à la ligne générale, il résiste à toutes les contre-attaques ennemies.
Pertes : 8 officiers, 217 hommes.
Le régiment est ensuite mis au repos dans la région d'Épernay. Au bout de quelques jours, il fait mouvement par voie de terre et arrive le 17 juin dans la région de Revigny.
Verdun : Cote 304, cote 344.
Du 6 au 18 juillet, le régiment tient le secteur de la cote 304.
Puis il est remis au repos et va tenir pendant quelques jours un secteur calme en face Saint-Mihiel.
Le 23 août, il est de nouveau dans la région de la cote 304, et, le 24 août, dans un élan magnifique, il s'empare des organisations ennemies de la cote 304, de l'ouvrage de Palavas et dégage le terrain jusqu'au ruisseau de Forges. A la suite de ce succès, le 3e bataillon est cité à l'ordre de l'armée.
Le régiment reste dans ce secteur jusqu'au 10 novembre 1917.
Pertes : 12 officiers, 536 hommes.
A la date du 17 novembre, le régiment passe à la 41e division. Il monte en secteur pendant quelques jours à la cote 344 et, le 25 novembre, il est au repos dans la région de Joinville (Haute-Marne).
Lorraine : Réchicourt.
Au mois de janvier, le régiment est amené en Lorraine où il occupe le secteur calme au nord de
la forêt de Parroy. Le 20 février, un coup de main de grande envergure sur le village de
Réchicourt lui est confié. Une deuxième citation à l'ordre de l'armée a couronné la conduite du
régiment et le succès de l'opération.
Pertes : 10 officiers, 171 hommes.
Les Flandres : le mont Kemmel.
Le 128e R. I. quitte la Lorraine pour les Flandres à la fin d'avril. Le 16 mai, il prend position sur le mont Noir, face au mont Kemmel. Le 20, il attaque un ennemi solide, puissant en artillerie. Il atteint cependant ses objectifs, sur lesquels il s'établit, malgré des bombardements à obus toxiques d'une extrême violence.
Le 1er bataillon, qui s'est distingué à l'attaque, a été cité à l'ordre de l'armée.
Pertes : 10 officiers, 350 hommes.
Le mois de juin se passe dans le secteur de Bailleul.
Pertes : 1 officier, 7 hommes.
Offensive du 18 juillet : l'Ourcq.
Le 18 juillet, le 128e R. I. débouche de la forêt de Villers-Cotterêts.
Le 19, il pousse de l'avant, dépasse le Bout-du-Mont, nettoie le bois de Pringy, atteint le village de Rozet-Saint-Albin, s'empare du mont Chevillon, traverse le ru de Chauday, brise les résistances du bois de la Justice, de Cugny et de la butte Chalmont et poursuit l'attaque devant Cramaille jusqu'à forcer l'ennemi à la retraite sur la Vesle (2 août). Une troisième citation à l'ordre de l'armée MANGIN a consacré la beauté de cette suite d'attaques brillantes.
Pertes : 19 officiers, 697 hommes.
Offensive du Soissonnais.
Le 3 septembre, le régiment poursuit l'attaque commencée en direction des villages de Clamecy et de Braye. Il dépasse ces villages et, par la prise de la position importante du Fanion force à la retraite l'ennemi qu'il poursuit jusqu'au pied du moulin de Laffaux (5 septembre).
Pertes : 2 officiers, 158 hommes.
Le 15 septembre, le régiment prend position devant le fort de Condé. L'attaque est menée dans le ravin de Volvreux. L'ennemi, qui oppose une résistance acharnée, est cependant délogé des fermes
de Chimay, Volvreux, Colombe.
Pertes : 1 officier, 177 hommes.
Offensive des Flandres : Roulers, Audenarde.
Le régiment, ayant relevé des bataillons de l'armée belge devant Roulers, mène l'attaque sur cette ville âprement défendue par un ennemi encore puissant. La poussée du 128e est irrésistible. La ville est débordée, tombe entre nos mains. L'ennemi est forcé à la retraite.
C'est en vain qu'il tente d'arrêter notre avance en prenant position sur le ruisseau de Krombeck et dans le bois de Manneghem. Le régiment le pousse jusqu'aux hauteurs de Thielt, réalisant, à force d'audace, d'impétuosité et d'endurance, une progression de 16 kilomètres.
Pertes : 9 officiers, 314 hommes.
Après un repos dans Roulers, la ville de sa victoire, le régiment est placé devant Audenarde (3novembre).
Le 9, il trompe la vigilance de l'ennemi et réussit à jeter des éléments de l'autre côté de l'Escaut. La tête de pont s'élargit, le fort Kezel qui domine Audenarde est pris. L'ennemi est contraint à la retraite. Poursuivi dans la journée du 10 novembre, l'ennemi fait encore tête sur les hauteurs de Seselghem, position que les conditions d'armistice du lendemain l'autorisaient à garder momentanément.
L'offensive des Flandres a valu au 128e une quatrième citation à l'ordre de l'armée et la fourragère aux couleurs de la médaille militaire.
Pertes : 1 officier, 37 hommes.
Conclusion.
La valeur du 128e R. I. est caractérisée dans la devise que son général de division lui proposait :
« Ce que l'on me demande je le donne et au delà. » Dans cette fière devise tiennent sa solidité dans la résistance, sa ténacité endiablée dans l'attaque, l'allure franche, légère de sa bravoure impétueuse, quoique ordonnée, qui lui viennent de son recrutement : la région parisienne tempérée par la Somme.
Au cours de la campagne, les combats auxquels il est appelé sont autant d'épreuves qui affirment sa vaillance et lui acquièrent sa gloire.
La Marne, à Maurupt, où il se fait hacher sur place, mais tient contre tout assaut, est pour lui le baptême du feu. Il connaît la rigueur effrayante des combats de l'hiver 1914 – 1915, en Argonne, en Woëvre, à Beauséjour.
Il participe à la poussée victorieuse de septembre 1915, en Champagne, où la prise du village et de la butte de Tahure lui vaut sa première citation à l'ordre de l'armée.
Sa vaillance ne se dément pas au cours de la bataille de la Somme, ni dans les combats de 1917 au mont Spin et au Godat. En août 1917, c'est lui qui a enlevé la position si longtemps et si chèrement disputée de la cote 304.
Réchicourt, en février 1918, est l'un de ses plus beaux titres de gloire. Coup de main d'envergure où le régiment donna ce spectacle unique de trois bataillons en ligne, traversant dans un ordre parfait, et comme à la parade, un glacis large de 800 mètres, abordant des positions puissamment organisées, s'y forçant un large passage, réduisant un ennemi tenace, faisant plus de 200 prisonniers, capturant des documents nombreux, et, malgré des pertes cruelles, se repliant dans le même ordre admirable. Une deuxième palme et la fourragère aux couleurs de la croix de guerre étaient la sanction de cet exploit.
Un régiment de cette vaillance était prêt pour les batailles de 1918. Le 128e R. I. en fut, et y mérita d'être dénommé celui « à qui on peut tout demander et qui donne au delà ».
Au printemps, il oppose devant le mont Kemmel une résistance inlassable à un ennemi qui veut nous briser sous des bombardements implacables. Le 15 juillet, il est de ceux qui débouchent de la forêt de Villers-Cotterêts. Il pousse l'ennemi, le déloge de la forêt de Pringy, de Rozet-Saint-Albin, de Brény, de Cugny, de la butte Chalmont, de Cramaille, et, par la grande part qu'il prend prend à la victoire de la Vesle, gagne sa troisième citation. Dans le Soissonnais encore, il brise la résistance de l'ennemi sur la route de Maubeuge, reconquiert les villages de Braye, Clamecy, et pousse jusqu'au pied du moulin de Laffaux.
C'est dans les Flandres qu'il achève la campagne en y gagnant sa quatrième citation et la fourragère aux couleurs de la médaille militaire. Roulers, où l'ennemi oppose une défense acharnée, est débordé et enlevé par le 128e R. I. dans une attaque dont le succès n'était acheté que par la plus impétueuse audace.
A l'issue de la guerre victorieuse, cet exploit fait éclater les vertus offensives et manoeuvrières, l'ardeur généreuse du 128e R. I.
C'est par là qu'il a couronné une longue carrière d'honneur.
Il n'est pas possible de citer tous les faits d'armes accomplis par les militaires de tout grade du
régiment.