Le printemps 1917 trouve le régiment refait, remanié, enthousiaste à la poursuite de l’ennemi qui opère son repli. Le 27 mars, il enlève Neuville-sur-Margival, le 28, la compagnie Billaud, estimant le barrage roulant trop lent pour son ardeur, le traverse et capture 68 Allemands surpris par la soudaineté de cette attaque, ahuris d’avoir vu surgir ces vagues d’assaut entraînant leur barrage. Historique du 64ème RI .Mais voici la fameuse ligne Hindenbourg et le 64ème fonce sur le bastion de Laffaux qui résiste. Au cours de ces actions, le régiment, le 3ème bataillon, la 1ère compagnie, les 2ème et 3ème sections de la C.M. 1, le peloton de 37 sont l’objet de citations diverses. Le 18 avril, au nord de Paissy, le régiment se mesure à des éléments de la garde prussienne ; il en ramène quelques échantillons. Jusqu’au 15 mai, il rectifie notre ligne en d’heureuses opérations et laisse au régiment frère de la brigade une base bien établie pour la prochaine attaque dont il est chargé. Après un repos de six semaines, le 64ème est amené devant Saint-Quentin. Le 24 août, plusieurs de ses groupes pénètrent en plein jour dans les lignes ennemies et ramènent 24 prisonniers et du matériel.
CHEMIN-DES-DAMES.
Fin septembre et début d’octobre, le 64ème exécute d’importants travaux en vue de l’attaque qui, le 23 octobre, nous donnera le plateau du Chemin-des-Dames jusqu’à l’Ailette. Puis il passe en réserve, laissant ses compagnies de mitrailleuses à la disposition des troupes d’attaque. La 1ère C.M. est l’objet d’une citation spéciale. Le 4 novembre, le régiment occupe de nouveau le même secteur. Il est chargé de l’organisation du terrain chaotique arraché de haute lutte par la 66ème division à Filain et à Pargny-Filain. La saison est dure, le marmitage est souvent violent, le labeur est âpre. Mais les caractères sont à la hauteur de la tâche à accomplir. Sept mois durant, le 64ème ne connaîtra plus de repos. Déposant fréquemment l’outil pour assurer une police sévère sur son front, il harcèle l’ennemi, chasse ses petits-postes volants restés au sud de l’Ailette, pénètre dans ses lignes, lui capture en cinq raids plus de cinquante prisonniers dont plusieurs officiers, repousse toutes les tentatives de coup de main d’un ennemi mordant qui cherche une revanche à chacune de nos incursions.
ATTAQUE DU 27 MAI 1918.
Le 64ème, qui a trempé sa poigne et sa confiance, est en pleine forme à tous les points de vue quand, le 27 mai 1918, il sombre en une matinée, submergé par une attaque gigantesque montée avec des moyens inconnus jusqu’alors. Ses groupes de combat arrêtent nettement les attaques frontales, mais la brume, la poussière et la fumée des éclatements, les nappes délétères travaillent contre nous. L’ennemi s’infiltre par les ravins, ruisselle vers l’Aisne qu’il a franchie depuis longtemps sur le secteur de droite, alors qu’en première ligne les groupes du 64ème luttent toujours énergiquement. Là encore, la consigne était de succomber sur place. Nos braves poilus furent admirables de vaillance et de ténacité : Bretons, Vendéens et tous les autres rivalisèrent de courage et d’abnégation. Un rapport allemand relate que le régiment de Magdebourgeois n’a pu atteindre le Chemin-des-Dames qu’à 8 heures et qu’il est ainsi très en retard sur les autres corps de la ligne d’attaque. Les actes de bravoure sont nombreux au cours de cette défense héroïque : Jusqu’à midi, la garnison de Froidmont, très éprouvée par les pertes, tient l’ennemi en échec. Plusieurs officiers sont tués, tous les autres sont blessés, y compris le commandant CHEVALLIER, avant de tomber entre les mains de l’ennemi. Les creutes de Vaumaires (lieutenant LE BIHAN) tiennent également jusque vers midi, épuisant tous ses moyens de défense. Jusqu’à 10 heures, le commandant EON défend avec une énergie farouche la creute de Rochefort, pendant que le capitaine ELUÈRE, avec une poignée de braves, barre la vallée d’Ostel au flot ennemi. Les capitaines ANGELI et LAINE, surmontant des difficultés inouïes, réussissent à porter leur compagnie jusqu’à l’objectif assigné. Le premier est blessé, le second tué au cours de la mission qui consistait à étayer la résistance des premières lignes et à dégager Froidmont. Enfin, les lieutenants PRADÈRE-NIQUET et BIRONNEAU dirigent un petit groupe qui reste inabordable, comme un hérisson en boule, jusqu’à 16 h. 30, près des ruines de Folemprise. Tout le train de combat, tout le train régimentaire, tous les chevaux, les vivres et le matériel de réserve du régiment furent sauvés grâce à l’opiniâtre résistance des éléments en ligne.
RETRAITE DE L’AISNE.
Les débris du 64ème qui repassent la rivière ne comprennent plus qu’une centaine d’hommes. Avec le G.I.D., appelé à la rescousse, on parvient à former trois petites compagnies qui tiennent à ajouter encore à l’ampleur du sacrifice. Quatre jours elles luttent et cèdent pied à pied, ne négligeant pas une occasion d’infliger des pertes à l’adversaire. Le 1er juin, le régiment est retiré de la bataille en lambeaux, ayant perdu encore 2 officiers et 65 hommes. Sa conduite héroïque durant ces sombres journées lui vaut une deuxième citation à l’armée et l’attribution de la fourragère.
RÉORGANISATION.
Un séjour dans un secteur des Vosges permet au 64ème de renaître de ses cendres. Bretons et Vendéens rescapés, blessés ou permissionnaires de mai, reviennent donner l’ossature du régiment qui conserve sa forme et son caractère ; des méridionaux s’y amalgamant, lui apportent leur étincelle et leur vivacité.
AISNE. – POURSUITE. – ARMISTICE.
Le 64ème va enfin avoir sa revanche. Le 28 septembre, il aborde crânement les formidables organisations de Notre-Dame-des-Champs, en bordure de la Py. Arrêté sur un glacis rasé par les mitrailleuses, il s’y cramponne, menace, harcèle, inlassablement attaque. Il passe enfin, chassant devant lui les chasseurs bavarois, et atteint l’Arnes le 6 octobre. Il a capturé 21 prisonniers et un important matériel. Ses pertes dépassent le chiffre de 400, y compris 20 officiers. Le 19 octobre, le régiment qui s’est reposé deux jours reparaît devant Rethel, nettoie prestement d’ennemis le terrain entre le canal et l’Aisne qu’il franchit dans la nuit du 5 au 6 novembre, entamant une poursuite adroite et ardente. Le jour même il atteint Saulces-Monclin ; le lendemain il enlève Faissault et borde la vallée de la Vence ; dans la nuit il occupe Raillicourt. Le 8 il est à Launois, Jandun, Barbaise. Le sous-lieutenant BISIAUX, commandant un groupe de poursuite, tombe à Villers-le-Tourneur, alors que, grisé de joie, il venait de libérer les habitants qui sautaient à son cou avec un indicible attendrissement. La C.M. 3 est l’objet d’une citation. La 8e D.I. prend la suite du 64ème R.I. L’armistice est signé. Le régiment a terminé la guerre comme il lui était dû, en pleine gloire. Durant cinquante et un mois d’opérations actives, le régiment s’est donné à plein. Au cours des heures les plus dramatiques, les qualités héréditaires des Bretons et Vendéens : l’opiniâtreté, l’amour du pays, la joie du devoir à remplir, ont été durement mises à l’épreuve ; elles ne s’émoussèrent jamais. Gloire à tous ceux qui sont tombés pour la France ! La grande famille du régiment n’oubliera jamais le sublime sacrifice de ses vaillants enfants. Leurs noms resteront en auréole dans les fastes du 64ème et les recrues des générations futures puiseront une ardente trempe pour leurs jeunes âmes dans l’histoire des hauts faits accomplis par les poilus de la grande guerre Approuvé : Le Général commandant le XIe C.A., Signé : PRAX.