Pendant que, entre la SUIPPE et L’AISNE, le Général GOURAUD lance son Armée droit devant elle, à l’attaque des formidables positions qui l’arrêtent depuis si longtemps, à sa droite, le Général PERSHING découplé sa première Armée Américaine entre l'ARGONNE et La MEUSE. Le 38ème C. A. auquel est toujours rattachée la 1ère D. C. P. servira de lien entre ces deux Armées. Il couvrira la droite de l'IVème Armée en attaquant en direction de CERNAY-en-DORMOIS et se conformera au mouvement offensif général en nettoyant progressivement la vallée de L’AISNE.
La 1ère D. C. P. forme la droite du 38ème C. A. Elle est formée en deux Groupements sépares par le cours de L'AISNE un Groupement rive gauche, aux ordres du Général DESTREMAU en liaison à gauche avec la 74ème D. I. du 38ème C. A., et un Groupement rive droite, aux ordres du Colonel DURAND, Commandant le 11ème Cuirassiers, en liaison à droite avec le 5ème C. A. U. S.
Le 9ème est l'élément de droite du Groupement DESTREMAU, ayant à sa gauche le 4ème Cuirassiers Le 1er Bataillon (Capitaine De LAMMERVILIE) le long de L’AISNE et le 2ème (Commandant De VAUCRESSON) à l’Est de VILLE sur TOURBE, sont Bataillons d'attaque.
Le 3ème (Capitane TAILLAN) est en réserve de 1ère D. C. P. Le P. C. du Colonel est établi dans le chemin creux de MALMY.
Dès la tombée de la nuit du 25 au 26 Septembre, les Bataillons se portent à leurs emplacements, à 23 heures la préparation d’Artillerie commence, très intense sur la gauche du secteur, nourrie devant le front du Régiment, pendant cette préparation, des équipes de cisailleurs ouvrent des brèches dans l'incroyable enchevêtrement de défenses accessoires tendues par l’ennemi devant son front depuis 1914.
Enfin, le 26 septembre, à 5 heures 25, les vagues d’assaut partent sur leurs objectifs.
L'ennemi ne réagit que faiblement, ses premières lignes sont évacuées presque complètement, il n y a laissé que des éléments d'arrière-garde très dilués.
Partis à l'attaque avec un entrain merveilleux, les Cuirassiers ont vers huit heures atteint leur premier objectif. A la droite, la 2ème Compagnie (Sous-lieutenant MALLE), après avoir traversé le PONT-PARDON, a enlevé la ferme de la CHAPELLE, y a capture, après un vif combat à la grenade, une Section complète de deux mitrailleuses ; cette Compagnie assure la liaison avec le 11ème Cuirassiers qui, sur la rive droite, s’est empare du village de SERVON.
Le reste du 1er Bataillon a pénétré sans peine dans le bois de VILLE et y progresse le long de la voie ferrée.
A gauche, la Compagnie MITHOUARD, du 2ème Bataillon, a, d’un bond, saute dans la Preussen-stellung, entre l'étang et le bois de VILLE, où tout le Bataillon ne tarde pas à s’installer rapidement. La liaison s'établit à gauche avec le 4ème Cuirassiers, qui s’est rendu maître de la JUSTICE et de la Cote 150.
Des reconnaissances sont envoyées pour préparer le prochain bond. Le Capitaine De LAMMERVILLE qui a trouvé le bois de VILLE presque complètement abandonné, a poussé immédiatement à la lisière Nord la Compagnie RENAUDIN, puis la Compagnie LEGRAND.
A 16 heures, le Général DESTREMAU donne l'ordre d'attaquer le 2ème objectif, constitue par le bois du SUGNON. Le Bataillon De VAUCRESSON, qui a été précède par les patrouilles de la Compagnie RENAUDIN, y entre sans coup feu, vers 17 heures. L’ennemi a reporté sa défense plus en arrière, et les patrouilles, envoyées aussitôt reconnaître les abords du bois de CERNAY, ne peuvent en approcher.
Après une nuit très calme, le dispositif du Régiment va être légèrement modifié dans la matinée du 17. La 71ème D. I. est entrée en ligne entre la 74ème D. I. et le 4ème Cuirassiers, décalant tous les axes de marche vers l'Est. Le Bataillon de VAUCRESSON marchera sur la lisière Est du bois de CERNAY, dont la lisière Sud sera attaquée par le 4ème Cuirassiers. Le Capitaine De LAMMERVILLE fera passer la Compagnie MALLE sur la rive droite de L'AISNE, pour assurer plus intimement la liaison avec le 11ème Cuirassiers, pendant que lui-même avec le reste de son Bataillon, sera en soutien du 2ème Bataillon. Le Colonel porte son P.C. à la ferme du bois de VILLE.
Après plusieurs décalages d’horaire, l'attaque se déclenche de nouveau vers 9 heures 30, mais elle ne peut guère progresser à gauche, de violents feux de mitrailleuses arrêtent le 4ème Cuirassiers devant le bois de CERNAY, tenu en force par l'ennemi, à droite, le 11ème Cuirassiers ne peut déboucher de la briqueterie de SERVON sous les feux de la Cote 140 et de la vallée MOREAU. Le couloir de L'AISNE, pris d'enfilade parles deux bastions de la Cote 140 et du bois de CERNAY battu par une Artillerie nombreuse, sans le moindre couvert ni le plus petit défilement, est une voie d’accès difficile. Nos éléments avances atteignent la voie ferrée et s'y accrochent obstinément, mais le 2ème Bataillon commence à éprouver des pertes sensibles les Sous-lieutenants POUSSIN et BOURCERET sont blessés.
Après une nouvelle préparation d'Artillerie, à 18 heures 30, l’attaque est reprise. Le 4ème Cuirassiers pénètre dans le bois de CERNAY, mais vivement contre-attaque, il ne peut s’y maintenir, sur la rive droite, la Compagnie MALLE tente vainement une infiltration pour favoriser la progression du 11ème Cuirassiers vers la Cote 140, elle doit y renoncer. Le 2ème Bataillon s’organise en profondeur de part et d'autre de la voie ferrée, ayant en soutien le 1er Bataillon dans le bois de VILLE.
Dans la matinée du 28, le 38ème C. A. reprenant sa progression le 4ème Cuirassiers, pour se lier à son mouvement, se lance de nouveau à l’attaque du bois de CERNAY. Mais c’est à peine s’il peut déboucher de ses Tranchées. De toute évidence cet important centre de résistance si opiniâtrement défendu par l’ennemi ne tombera que par une manœuvre débordante. Celle-ci ne peut se faire qu'à la condition de ne pas tomber sous le feu de la Cote l40 et de la vallée MOREAU. C'est donc sur la rive droite, au dernier contrefort de l'ARGONNE, que se trouve-la clef du bois de CERNAY.
En conséquence, des 15 heures, le Général BRÉCARD met le Bataillon De LAMMERVILLE à la disposition du Groupement DURAND sur la rive droite. Aussitôt relevé sur ses emplacements du bois de VILLE par le Bataillon TAILLAN, le 1er Bataillon se porte par SAINT-THOMAS, sur VIENNE-le-CHÂTEAU, de façon à renforcer l’attaque qui se monte en direction de BINARVILLE.
Un peu plus tard, au cours de la nuit du 28 au 29, le 9ème Cuirassiers en entier passe à son tour au Groupement rive droite à VIENNE-le-CHÂTEAU. Le Bataillon De VAUCRESSON en réserve de D. C. P. stationne au camp de la PLACARDELLE.
L’ARGONNE.
Voici donc, en pleine bataille, le Régiment lance brusquement dans le mystère des taillis et des ravins de cette ARGONNE fascinante, qui au cours des luttes séculaires que la France eut à soutenir contre les invasions de la GERMANIE, joua toujours un rôle si important ! Dans l’histoire de la libération de cette forêt légendaire, de VIENNE-le-CHÂTEAU au CHÊNE PÂTE, quelles belles pages de gloire le 9ème Cuirassiers à Pied, du 25 Septembre au 3 Novembre 1918, va écrire avec son sang ! En s’infiltrant sur les brisées des Groupes de Combat, à travers les fils barbelés, dans les taillis, dans les ravins, que de leçons à glaner ! Que de gestes de bravoure à léguer au patrimoine d'honneur de ce beau Régiment ! Et cette série si longue et si chargée de glorieux faits individuels prend d'autant plus de valeur qu'ils sont accomplis dans l’obscurité et le cloisonnement d’une forêt, et d'autant plus d’effet qu’ils obéissent à une directive unique et invisible.
Tout de suite, en quatre dures journées d'incessants combats, les 29 et 30 Septembre, le 1er et 2 Octobre, le Régiment va donner sa mesure en exécutant une opération d’une extrême audace, d'un caractère très spécial.
Son raid vers la Cote 176, au Sud-est de LANÇON, s'affirme comme un modèle dans une tactique où les Allemands avaient la prétention de garder la maîtrise la tactique de l’infiltration.
Aussi tenacement commandé que tenacement exécuté, il parvint à faire brèche dans une double position ennemie, et s’il eut pu être appuyé (comme le commandement était en droit de l’attendre), il aurait, dès le 2 Octobre, amené la rupture complète du système défensif et épargné aux assaillants les durs combats et les lourdes pertes des jours suivants. Malheureusement, à l’heure même de l'exploitation, un ordre de relevé avait privé déjà la 1ère D. C. P. de ses disponibilités.
Quelle situation le 9ème Cuirassiers a-t-il donc trouvée le 29 Septembre au matin, en arrivant dans ce secteur nouveau pour lui et qui puisse le rendre si audacieux ? Depuis trois jours, nos attaques, combinées avec celles des Américains à droite, ont réussi à enlever les premières lignes ennemies et à s'y maintenir, mais dissociées par les inextricables fourrés de l'ARGONNE et très sévèrement prises à partie par de nombreuses mitrailleuses, elles ne peuvent pas déboucher. Surtout à l'Est de la route de VIENNE-le-CHÂTEAU à BINARVILLE, là où dans les ravins embroussaillés du bois de la GRUERIE opère un Bataillon Noir du 368ème R. I. U. S., les efforts semblent devenir décousus et les résultats en demeurent mal connus. C’est donc avant tout la liquidation d'une situation délicate qui est demandée au Régiment. Avec le Bataillon, du Capitaine De LAMMERVILLE, ce sera bientôt fait ! La relève des éléments Noirs Américains est difficile dans ce terrain, impraticable ? Pourquoi, alors, se mouler sur leur dispositif que la lutte a forcément rendu décousu ? Il vaut bien mieux procéder par un dépassement de leurs lignes, et le Bataillon sera tout de suite en place, beaucoup plus en main et mieux orienté pour continuer ultérieurement sa progression vers le Nord.
À cette conception claire du commandement, répond une manœuvre souple de la Troupe, et dès 11 heures le 1er Bataillon est installé dans les Tranchées allemandes de TIRPITZ, creusées dans le Sud de la vallée MOREAU, en plein bois de la GRUERIE. Rapidement des détachements de liaison sont envoyés à la recherche des Américains à droite et du 11ème Cuirassiers à gauche ; pendant ce temps, le Bataillon TAILLAN vient, avec la même élasticité dans les mouvements de ses unités, occuper, en seconde ligne, les anciennes Tranchées de surveillance d’où, pendant tant de mois douloureux, Français et Allemands se sont épiés par-dessus la chaussée de la route de SERVON à VARENNE-en-ARGONNE. Le P. C. du Colonel est sur la route de VIENNE-le-CHÂTEAU à la HARASSÉE. Le Régiment est eu place et prêt à attaquer.
Il n'attendra pas longtemps. Vers 15 heures, l'ordre arrive de traverser la vallée MOREAU et d’enlever sur la crête au Nord les lignes allemandes du DROMADAIRE et la Cote 182 sur la route de BINARVILLE ce sont ces objectifs, opiniâtrement gardes par des mitrailleurs mais surtout défendus par les inimaginables difficultés du terrain, qui ont depuis deux jours arrête la progression américaine ! Un seul procède peut venir à bout de la ténacité des Allemands qui nous narguent du fond de leurs fourrés et du haut de leur falaise escarpée : c’est de les surprendre par une attaque brusquée, menée rondement, à la manière d’un coup de main. Mais pour cela il faut des hommes au cœur résolu, aux muscles solides et à la tête froide. Ces trois qualités du patrouilleur n'ont-elles pas été justement développées à un haut degré pendant tant de nuits dans le secteur du bois d’HAUZY ! C’est le moment de se payer en une fois, par un glorieux et fructueux succès, des fatigues d'un long et pénible apprentissage.
L'attaque de la Tranchée du DROMADAIRE.
A 13 heures donc, le Bataillon De LAMMERVILLE, par une action soudaine, part à l’attaque de ses objectifs. Certes, la progression est bien lente et les vagues d’assaut s’effilochent bien vite au passage d'un réseaux de fil de fer ou à la traversée d'un fourré d’épines, mais n’en est-il pas plus beau encore l'effort fourni par chacun de ces hommes qui seul, sans le stimulant du Chef qui le guide ou du camarade qui le regarde, se trouve aux prises avec des difficultés de toutes sortes et en triomphe « parce » qu'au fond de son cœur, il puise l'énergie morale plus forte que la fatigue de ses muscles et plus haute, quel instinct de sa conservation. Tous, dans la lumière finissante de cette soirée d'automne, s’acharnent à venir à bout de la rude mission confiée à leur honneur militaire. S'arrachant les vêtements et la peau aux ronces naturelles ou artificielles, l'œil aux aguets pour placer un coup de fusil ou lancer une grenade, se halant sur les pentes abruptes sous des rafales de mitrailleuses, les Cuirassiers des Compagnies MALLE et RENAUDIN, sans se décourager, progressent vers la Tranchée du DROMADAIRE. Déjà quelques-uns, mieux servis par les cheminements qu'ils ont trouvés devant eux s’y sont installés avec le Sous-lieutenant AUBIBAN, de la 1ère Compagnie, le Sous-lieutenant AUDIGIER et le Maréchal des Logis BRECQUE, de la 2ème Compagnie.
Aussitôt, un mouvement de débordement commence pour encercler la Cote 182, mais les Allemands, décontenances par l’audace de cette menace, dominés par une volonté plus forte que la leur, après un commencement de résistance, se décident à mettre à profit la nuit qui tombe pour abandonner la lutte et laisser entre nos mains à la crête convoitée sur laquelle, à partir de 20 heures, les Compagnies RENAUDIN et MALLE s'organisent, tandis que le Capitaine De LAMMERVILLE installe son P. C. et sa Compagnie de réserve dans les abris confortables du MOREAU-LAGER !
Cette action vivement menée vaut au 1er Bataillon la citation suivante à l'Ordre du Régiment N° 300 :
« Le 29 Septembre 1918, l’ennemi opposant depuis plusieurs jours, sur un front fortement occupé une résistance opiniâtre aux efforts répètes des Régiments de la Division, le 1er Bataillon, sous les ordres de son Chef, le Capitaine De LAMMERVILLE, envoie sur un point de la zone d'attaque où la situation était devenue délicate, s’y établit rapidement dans une position solide, puis, impatient de reprendre la poursuite et pénétrant en fin de journée, par une opération audacieuse, dans la position de l'ennemi a fait tomber une partie de ses défenses et assure aux Troupes d’assaut une base excellente pour l'offensive du lendemain. »
La prise de BINARVILLE.
Maintenant que ce violent coup d'épaule a ouvert une brèche dans le système de défense de l'ennemi, il ne faut pas en rester là. D'autant plus que, de toutes parts, des indices de repli sont relevés. Donc, pendant que le Sous-lieutenant JULIEN part, avec un petit détachement, sur la droite, assurer une liaison étroite avec la 77ème D. I. U. S., le Colonel prépare une attaque nouvelle en direction de BINARVILLE.
A midi, 1er Bataillon TAILLAN dépasse la position tenue par le Bataillon de LAMMERVILLE et, se glissant dans les fourrés, gagne la lisière Nord du bois de la GRUERIE.
Les Compagnies MOUROUZY à gauche et CURY à droite sont en première vague suivies par la Compagnie RIVAL. La marche sous-bois est rendue très difficile, surtout à droite, où plusieurs nids de résistance arrêtent quelque temps la Compagnie CURY, néanmoins, malgré un violent barrage d'obus de gros calibre, les Compagnies MOUROUZY et CURY peuvent bientôt déboucher en terrain découvert et atteindre d'un bond le premier objectif jalonne par une ligne d’anciens abris d’Artillerie, sur la légère crête courant à 300 mètres environ au Sud de la lisière de BINARVILLE. Le glacis, qui, au-delà tient encore le 3ème Bataillon éloigne du village effraierait par sa nudité de moins braves, mais puisque toute progression directe est maintenant interdite par des nids de mitrailleuses multipliés en avant du village, n’existe-t- il pas un moyen d’atteindre néanmoins les ruines blanches que l’ennemi s’acharne à défendre ? Si, il y en a un, et infaillible, quand il est bien exécute c’est la manœuvre classique le débordement.
Rapidement, automatiquement presque aussi calme que sur un terrain d’exercice, le Bataillon TAILLAN va prouver à la fois sa souplesse manœuvrière et sa fraternelle cohésion.
Les Sections d’attaque ne peuvent plus progresser, aussitôt elles se terrent et ouvrent un feu violent de F. M. et de V. B. qui oblige l’ennemi à ralentir le sien, les Sections de soutien du Lieutenant CURY peuvent alors intervenir, et aussitôt, par une infiltration hardie, poussent des petits groupes de combat sur les flancs de l’ennemi. A droite, le Maréchal des Logis ROUZIÈS, insouciant des balles, progresse avec sa Demi-section, tué d’une balle à la tête, il meurt au moment où l'ennemi inquiet commence à se replier. A gauche, la Compagnie MOUROUZY se heurte à une forte résistance dans le cimetière, le jeu de débordement de sa propre Section de soutien (Sous-lieutenant MARTIN) n’a pas suffi à faire tomber cet important point d'appui aussitôt, pendant que la Section de l’Adjudant MARTINEAU vient donner plus de cohésion à la ligne, la Section du Sous-lieutenant DOLLE, par une manœuvre hardie va tenter de réduire cet îlot de résistance en le tournant.
L'attaque du Sous-lieutenant DOLLE, menée rondement, à tout le résultat qu’on en attendait. Les mitrailleurs ennemis, violemment pris à partie par les Grenadiers du Maréchal des Logis CHAUVIN et les balles du F. M. PUIG, se réfugient dans une sape d’où ils ne sortiront plus que prisonniers, et le Bataillon délivre de cette menace meurtrière reprend aussitôt surtout son front sa marche en avant. A 17 heures, tout le village est entre ses mains, y compris plusieurs prisonniers et six mitrailleuses que l'ennemi a abandonnées dans sa retraite.
Aussitôt le Capitaine TAILLAN prend ses dispositions pour organiser sa conquête et à 18 heures son Bataillon tient une ligne solide d'avant-postes qui couvre BINARVILLE depuis le bois de PLÉMONT jusqu’à 500 mètres à l’Est du village, où la Section DOLLE maintient une liaison difficile avec la 77ème D. I. U. S. dont la situation reste aussi imprécise.
Les journées du 1er et 2 Octobre.
Le Régiment vient, en s'emparant des ruines organisées de BINARVILLE et en s'installant dans le bois de PLÉMONT, de prendre solidement pied dans « la zone de grand combat » de l’ennemi II s'agit maintenant de progresser.
Le commandement l'a bien compris. Toute la 1ère D. C. P. étant maintenant sur la rive droite de L'AISNE, le Groupement DURAND est dissous et le Régiment revient sous le commandement normal du Général DESTREMAU. Dans la nuit du 30 Septembre au 1er Octobre, le Colonel, a son P. C. du MOREAU LAGER, reçoit l'ordre de poursuivre. C’est au 2ème Bataillon qui, depuis la veille, étaye solidement la progression du 3ème, le tour de se mesurer avec l'ennemi, c'est à lui qu’incombe la rude mission de faire céder la forte position sur laquelle l’ennemi s’est repris.
Des lisières du village et du bois, le plateau de BINARVILLE s'élève en glacis implacable jusqu'à une haute couronne de bois, qui vers le Nord et vers l'Est encercle les escarpements du mouvement de terrain. Devant ce rideau d'arbres, court de l’Ouest à l'Est, magiquement camouflée, la puissante ligne de la PALETTE, de CHARLEVAUX et de la PALETTEPAVILLON.
Sous son feu, un tapis de gazon, sans un défilement, sans un angle mort, avec l’aggravation ironique d'un double réseau de barbelé.
A quelques centaines de mètres en arrière de cette première ligne, c'est le mystère de la forêt et de l'abrupt changement de pente, mais un mystère qui donne la certitude d'un angle mort inviolable à notre Artillerie et d'abris pour de nombreuses réserves.
Enfin comme acteur du drame qui va se jouer, l’ALLEMAGNE a garni la position de ces troupes qu’elle réserve toujours à une « charnière », a un point vital de ses organisations défensives. Le Régiment va se heurter à la 76ème Division de LANDWEHR citée naguère par LUDENDORFF dans un de ses communiqués et comprenant notamment le fameux 252ème, ce
Régiment dont aucun homme, à l'en croire, n’a jamais consenti à se rendre.
Nulle illusion n’est donc permise à l'assaillant sur la qualité de l'effort à donner. Mais au 9ème Cuirassiers, on a dit de progresser, le 9ème Cuirassiers progressera.
Donc, le 1er Octobre de la masse sombre du bois de PLÉMONT, à travers les brumes du lever du jour, se dégage une ligne mouvante c'est le Bataillon De VAUCRESSON qui dépasse les avant-postes du Bataillon TAILLAN et se porte à l’attaque. Le Bataillon De LAMMERVILLE va le suivre et s’échelonner sur sa droite.
L'ennemi est aux aguets ; sur la piste d’attaque, Artillerie et minen posent leurs barrages, et sur les silhouettes encore imprécises de nos Cuirassiers, les mitrailleuses font rage. Puis le jour se lève, les silhouettes deviennent de vivantes cibles. Sur un glacis de champ de tir le feu des mitrailleuses redouble. Il faut, pour se servir de son arme, s'incruster dans le sol, ne se déplacer qu’en rampant, sectionner les fils de fer sous des grêles de balles. On progresse lentement, mais on progresse. Vers midi le Capitaine MITHOUARD, avec son impétuosité habituelle, réussit à sauter dans une petite Tranchée qui monte vers la PALETTE, pendant six heures, avec une rare énergie et une admirable ténacité, il rampe et gagne du terrain sous un feu d'enfilade de mitrailleuses et un barrage intense d'obus de gros calibre. La poignée d’hommes de la 5ème Compagnie qui a réussi à s’infiltrer derrière lui, constitue une menace sérieuse pour l'ennemi, d’autant qu'il est appuyé de près par la Compagnie TAILLEFESSE, énergiquement accrochée le long de la route AUTRY BINARVILLE, et par la Compagnie AGNUS qui garnit la corne Nord-est du bois de PLÉMONT.
Rageusement l'Allemand s'accroche à la ligne dominante de l’amphithéâtre dont BINARVILLE est le centre ; il est servi en avant par des flanquements impeccables, en arrière par des contre pentes rapides. Dans ce mur, ordre est donné par le Général DESTREMAU de faire brèche avec l'appui des Régiments voisins. Pour déséquilibrer et encercler la défense ennemie, de violentes et rapides concentrations d'Artillerie vont s’abattre sur les points sensibles.
A 17 heures 30, le Bataillon De VAUCRESSON mené de nouveau l’attaque. En riposte, les mitrailleuses de flanquement entrent en jeu ; elles ne peuvent arrêter l’élan magnifique de la Compagnie TAILLEFESSE ni l'intrépide Capitaine MITHOUARD.
De sa position avancée, où aucun agent de liaison n’a pu réussir à lui porter l'ordre d’attaque ce dernier a compris que le moment était venu de se porter résolument en avant, il se lève alors et debout sur le glacis, entraînant les restes héroïques de sa vaillante 5ème Compagnie, il bondit malgré balles et obus jusqu'au réseau encore intact qui couvre la PALETTE. Résolument il s’y engage le premier, et tombe presque aussitôt, frappe de plusieurs balles. La mort de ce vaillant porte vite ses fruits, électrisés, ses hommes bondissent dans la Tranchée de la PALETTE qu'ils nettoient de ses occupants.
Pendant ce temps, sur la droite une mitrailleuse, installée en marge des bois, barre la route à la Compagnie TAILLEFESSE. La S. M. du Maréchal des Logis FICHET la prend aussitôt à partie et la réduit au silence.
D'un bond alors, les Cuirassiers sont à la lisière du bois et déferlent dans le ravin de BIÈVRES. La formidable ligne de défense est percée.
Dévalant aussi la pente un peu plus à droite la S. M. du Maréchal des Logis PAULY voit tout à coup à ses pieds, la retraite éperdue d’un convoi. Nos mitrailleurs ne sont pas lents à jeter la panique et la débandade dans cette colonne qui cherche éperdument à traverser le ruisseau.
Sur une telle cible les pourvoyeurs, eux aussi font leur « carton ». A la rage du crépitement des feux répond la galopade affolée de chevaux et de fourgons, la route qui du pont de BIÈVRES monte à la Cote 176, se jonche de cadavres. Sur cette route même, les éléments avances sous la conduite du Maréchal des Logis CATOIS de la Compagnie TAILLEFESSE, viennent aussitôt s’emparer du champ de bataille.
La nuit tombe sur une journée doublement glorieuse pour le 2ème Bataillon mais aussi sur une journée de rudes efforts et de douloureuses pertes ! Les débris de la 5ème Compagnie groupés par l’Adjudant ANTHIAUME, se joignent à la Compagnie AGNUS dans la Tranchée de la PALETTE. Sur la gauche, l’offensive du Régiment voisin n'a pu progresser et la liaison est solidement établie. Il n’en est pas de même à droite, où la situation du Régiment Américain reste imprécise. Pour se couvrir vers l’Est, la Compagnie RENAUDIN reçoit l’ordre de prolonger les Sections LAURAIN et COLONNA de la Compagnie LEGRAND, qui elles-mêmes flanquent déjà la droite du 2ème Bataillon.
D'ailleurs ce sont là, précautions presque superflues, car cette nuit, l’ennemi ne songe pas à attaquer, il répare son moral et ses pertes.
Bien mieux vers minuit un ravitaillement, se trompant d’adresse, tombe innocemment dans nos avant-postes la stupéfaction des convoyeurs feldgrauen n'a certes d’égal que l’enthousiasme de nos Poilus. Tandis que les uns crient « camarade » les autres prélèvent fastueusement leur part sur la miraculeuse « distribution », fumant maintenant de gros cigares, les Cuirassiers critiquent sans indulgence le « jus » de GERMANIE, qu’ils qualifient d’infusion d’orge et font la moue à l'aigreur et à la noirceur du pain KK. Durant de longues heures encore, les ténèbres du ravin de BIÈVRES restent vibrantes de l’allégresse de nos avant-postes pour le bon tour joué à l’ennemi.
Un effort encore, et la Cote 176 sera entre nos mains ! La Cote 176, ce point vital de la défense de l'ennemi ; la crête qui commande ses lignes de retraites. Devant l'importance de cette conquête, en dépit des pertes et des fatigues précédentes, le Colonel demande au 9ème Cuirassiers, ce nouvel effort. Le 2ème Bataillon va se porter à l’attaque de la Cote 176 étayé à droite par les Compagnies LEGRAND et RENAUDIN du 1er Bataillon, à gauche par la Compagnie RIVAL du 3ème Bataillon. Les régiments voisins doivent appuyer cette audacieuse ruée et exploiter son succès. Le 2 Octobre donc, à la pointe du jour le ruisseau de BIÈVRES est franchi sur des passages de fortune et l’escalade du plateau commence, scandée par le crépitement des mitrailleuses. Dès 8 heures, la première ligne de la Compagnie TAILLEFESSE est aux prises sur le bord supérieur du plateau. Pour se placer à sa gauche et à sa hauteur, la Compagnie AGNUS, avant le jour, quitte la Tranchée de la PALETTE et dévale à travers taillis.
Le Sous-lieutenant ÉVRARD marche à l'avant-garde. Soudain devant lui se dressent deux Allemands d’un bond, le Sous-lieutenant ÉVRARD et le Cavalier ROUFASTE sont sur eux et les font prisonniers.
Avec la 6ème Compagnie, chemine la S. M. du Maréchal des Logis FICHET, elle se heurte à un groupe important d’ennemis. Au Capitaine LABOUCHE, qui leur ordonne de se rendre, ils refusent. Le Brigadier ISLAND aussitôt commande le feu de sa mitrailleuse, et le Tireur DUPONT fait de la bonne besogne, le groupe récalcitrant est par terre ou en débandade.
Le ruisseau est bientôt traversé et cette Compagnie également, commence l'escalade du plateau.
A peine émergée des bas-fonds elle est prise a revers par un tir de mitrailleuses qui part des baraques à contre pente sur la rive gauche. La S. M. FICHET, malgré des pertes sévères, le contre-bat furieusement et efficacement.
Plus haut, il va falloir traverser la route de LANÇON sous le feu même des fortins du plateau. Résolument le Sous-lieutenant ÉVRARD saute le pas, entraîne dans un beau style sa Section à l’attaque et tombe glorieusement côte à côte avec le Cavalier BARATTON, foudroyés par la mitraille à 20 mètres à peine de la Tranchée ennemie. De la section il ne reste plus que neuf hommes, mais ces neuf hommes s’accrochent à la lisière du bois, organisent des flanquements et balayent sans merci tous les mouvements ennemis sur le plateau, ils vengent généreusement leurs morts.
A quelques pas de cette héroïque phalange, un nid de mitrailleuses est enlevé à la baïonnette par une escouade de F. M., commandée par le Cavalier TICHOUX.
Un peu plus loin, le Sous-lieutenant D'ANCHALD dirige efficacement le feu de sa Section de Mitrailleuses, malgré un violent bombardement. Les deux jambes brisées par un éclat d'obus, il meurt pendant son évacuation, ayant force l’admiration de tous ceux qui l'approchèrent alors y compris les nombreux prisonniers allemands qui refluaient vers l’arrière et qui, au passage du brancard douloureux se découvraient et se tenaient rigides, dans une attitude parfaitement respectueuse, surpris de tant d'énergie et d'une si belle foi chrétienne chez un Officier Français.
Tous ses efforts héroïques seront d’ailleurs consacrés quelques jours plus tard dans un ordre du jour au Régiment dans lequel le colonel donne la 7ème Compagnie en exemple.
« Troupe d’élite, dit cet ordre, solide dans la défense, hardie dans l’attaque. Le 1er Octobre 1918, sous le commandement de son Chef, le Lieutenant TAILLEFESSE, s’empare, après trois tentatives, d'une Tranchée allemande capturant trente prisonniers et des mitrailleuses, se jette sous-bois, traverse un ruisseau fortement défendu et semé la panique jusque dans les convois ennemis.
« Le 2 Octobre, elle poursuit son raid, le pousse jusqu'à 1.000 mètres en profondeur, attaque une hauteur y capture encore des prisonniers et du matériel »
Pendant ce temps, dans les bois au Nord de la tranchée de CHARLEVAUX, les Compagnies LEGRAND et RENAUDIN enlèvent plusieurs nids de résistance et y capturent de haute lutte de nombreuses mitrailleuses. A gauche, la Compagnie RIVAL s’acquitte avec la même ardeur de sa mission, elle réduit au Nord de la Tranchée de la PALETTE, un fortin où le Sous-lieutenant POULAIN cueille, après un vif combat, vingt-neuf prisonniers avec leurs mitrailleuses ; puis un abri de minenwerfer d’où le Sous-lieutenant HUBERT extirpe à la baïonnette vingt-cinq servants ahuris.
A midi toute la couronne de bois autour de la Cote 176 est à nous. Le Colonel insiste auprès du commandement pour qu'il lui donne les moyens de développer son attaque, il sent qu’à cette heure l’entrée en ligne de toute Troupe fraîche ferait tomber la position, comme un fruit mur entre nos mains.
Malheureusement, sur un ordre de relève, le 4ème Cuirassiers est parti vers l'arrière et, à gauche, le 11ème Cuirassiers s'est heurté à des résistances qu'il n’a pas encore surmontées. Les disponibilités manquent donc. La minute éphémère de l’exploitation nous échappe.
Cette minute hélas ! Va être mise à profit par l’ennemi. Déjà celui-ci prépare sa contre-attaque ses Troupes se massent dans le ravin de la WATERNE et au Sud de l’Étang de BIÈVRES, de ces deux points elles vont chercher à encercler le saillant que fait notre ligne. La position du Bataillon De VAUCRESSON devient critique, il a un ruisseau à dos et, sur ses flancs, les taillis rendent inefficaces tout flanquement et tout barrage. Il n’y a qu'un parti à prendre ; refluer sur la rive gauche du ruisseau de Bièvres et y organiser une solide ligne de défense. Ce repli s’exécute, en bon ordre, protège par le tir efficace de la mitrailleuse de l’adroit Tireur LIBERT, servi par son inséparable chargeur BRUNET.
Mais la poussée de l'ennemi continue et son dessein se précise, son infiltration tente de déborder nos ailes et les menace même d’encerclement. Les Compagnies LEGRAND, RENAUDIN et RIVAL qui ont si bien besogné pour assurer les flancs de l'attaque du 2ème Bataillon, s'efforcent, en ce moment critique, de garantir son repli. Le Sous-lieutenant BERTRET apporte l’appui précieux de son Peloton de Mitrailleurs, mais devant l’amplitude du mouvement ennemi, alimenté par des réserves abondantes et fraîches, ces gardes-flancs auraient besoin eux-mêmes d'être étayés par des Troupes nouvelles.
Pour parer au danger, le Colonel donne l’ordre au Régiment de reprendre ses positions de départ. Mais dans ce terrain les liaisons sont hasardeuses et longues ; plusieurs Sections comme celle du Sous-lieutenant LAURAIN, qui s’acharne au pont des HACQUETS, tout à l'ardeur de la lutte, ne sont prévenues que tardivement de l'ordre de repli et ne doivent qu’a leur énergie de briser à la baïonnette les tentacules qui s’apprêtaient à se refermer sur elles.
Seule la Compagnie RIVAL trouve sa piste de retraite barrée par des fils de fer et garnie par des mitrailleuses allemandes. Toutes les autres unités parviennent à se décrocher sans dommage de cette position difficile. Même, en arrière garde de ce repli méthodique, le Brancardier CAPRON, légendaire au Régiment pour ses actes innombrables de dévouement, rentre dans les lignes sur un char que traine paisiblement un cheval dérobe à l’ennemi et sur lequel il a charitablement hisse plusieurs de ses camarades blessés.
Pendant que les Bataillons De VAUCRESSON et de LARNMERVILLE se décrochent ainsi, le Bataillon TAILLAN est place sur ses anciennes positions d'avant-postes au Nord de BINARVILLE. Le moment est angoissant, car l’ennemi enhardi par le repli du Régiment, ne va sans doute pas s'arrêter sur les hauteurs, mais pousser jusqu’à ses anciennes lignes de BINARVILLE. Il faut savoir ses intentions, d'autant plus que les liaisons, à gauche comme à droite, sont bien précaires.
A qui confier cette délicate reconnaissance ? L’Officier Pionnier est disponible, à portée immédiate du Colonel pour éviter une perte de temps qui pourrait être néfaste, il partira donc tout de suite ; Voilà le Sous-lieutenant FONTAINE et l’Adjudant-chef HANON lancés en pleine nuit dans les profondeurs obscures du bois de PLÉMONT. Ils poussent audacieusement jusque dans la région de la tranchée de la PALETTE. Lorsque soudain des ombres se meuvent à la lisière des bois. Serait-ce la Compagnie RIVAL ou quelque Troupe attardée du 2ème Bataillon ?... Mais non : du groupe une voix de commandement s’élève et donne des ordres en allemand. Presque aussitôt les deux intrépides patrouilleurs sont frôlés par une corvée apportant.
« Le jus ». Plus d’erreur possible, ils se sont fourvoyés en pleines lignes ennemies. Avec le jour qui va paraître et une chicane éloignée qu’il faut retrouver pour traverser de nouveau l'épais réseau de fil barbelé, la situation est terriblement critique. Il faut avant tout ne pas détruire l’illusion des Allemands qui les prennent pour deux des leurs. Sans se donner le mal, chacun de son côté, FONTAINE comme HANONY les mains dans les poches, l'air nonchalant et flâneur s’avancent paresseusement vers la chicane tant désirée. Paresseusement aussi la chicane est traversée, ainsi que le glacis qui s’étend jusqu'à la route AUTRY BINARVILLE. Mais là, le terrain change de pente ; d'un bond, les deux compères ont sauté dans l'angle mort maintenant la fusillade crépite, les Allemands s'étant aperçus qu’ils étaient joués mais nos deux hardis patrouilleurs sont à l’abri dans le bois de PLÉMONT, et quelques instants après ils précisent au Colonel l'organisation défensive de l'ennemi qu'ils ont minutieusement repérée.
Le 3 Octobre, un ordre place le Régiment en réserve de Division. Après relevé par le 4ème Cuirassiers, sur leurs emplacements de BINARVILLE, les Bataillons se rendent dans la nuit du 3 au 4 aux anciens abris allemands de la vallée MOREAU et de la Cote 140.
Les journées des 7, 8 et 9 Octobre.
Là, pendant trois jours les hommes vont pouvoir goûter un repos relatif, mais le 3 Octobre l'Armée GOURAUD a remporté en CHAMPAGNE un nouveau succès qui lui a permis de progresser Le 38èm C. A., qui a toujours la mission d'assurer la sureté de son flanc droit, prépare en conséquence la reprise du mouvement en avant La D. C. P. doit y participer sur le front AUTRY-BINARVILLE.
Dans la nuit du 6 au 7, le 9ème se porte dans la région de BINARVILLE. Sa mission est de couvrir le flanc droit de l'attaque du 4ème Cuirassiers sur les organisations allemandes au Nord du village et d'assurer la liaison avec la 77ème D. I. U. S. à droite.
Le 2ème Bataillon est maintenant commande par le Capitaine LABOUCHE, qui a remplacé le Commandant De VAUCRESSON, promu Lieutenant-colonel et passe au 8ème Cuirassiers à Pied. A ces Compagnies déjà si rudement éprouvées revient encore une place d'honneur en 1ère ligne, à la droite du 4ème Cuirassiers. Plus à l’Est vient se placer, également en première ligne le Bataillon De LAMMERVILLE, en liaison avec les Américains. Quant au Bataillon TAILLAN, il reste à la ferme de la MOINERIE, en réserve de Division.
A l'heure H : 5 heures 45, les deux Bataillons d’attaque se portent sur leurs objectifs, les Tranchées allemandes de la PALETTE-PAVILLON. A la faveur du brouillard, la progression peut se faire d’abord assez favorablement. Les unités de tête, avec leur élan habituel, poussent de l’avant mais bientôt éventées par des mitrailleurs à l'affût elles sont forcées de s’arrêter.
Nulle part la ligne ennemie n'a pu être abordée, et cependant, sous les rafales meurtrières et denses, les exploits les plus téméraires s'accomplissent. C’est ainsi que l’on voit, au 2ème Bataillon, le Maréchal des Logis GABIOT, de la 7ème Compagnie ramper avec le F-M MONY et le Grenadier MOREAU jusqu'à 30 mètres d’une mitrailleuse ennemie servie par cinq Allemands, et tomber tous les trois grièvement blessés au moment où, dans un élan fou, ils vont sauter dans la Tranchée ennemie. Ou encore, au 1er Bataillon, le Lieutenant BRAUT, Commandant la 2ème Compagnie, trouver une mort glorieuse en première vague, alors qu’avec son sang-froid et sa clairvoyance habituels, il dictait un compte-rendu détaillé de la situation à l’adresse de son Chef de Bataillon. Mal dissimulé par une petite levée de terre, il tombe foudroyé d’une balle à la tête, pêle-mêle avec les braves que son exemple avait maintenus à ses côtes, le Brigadier BONNEFOND et ses Agents de liaison.
Presque en même temps, le Sous-lieutenant MALLE et le Maréchal des Logis MACADRE tombent l'un et l’autre, frappes mortellement à la tête de leur Section, en essayant de progresser quand même, pour déborder la position dominante de la PALETTE-PAVILLON.
Quelques minutes après, les Sous-lieutenants PAUMIER et PRADAL ne tardent pas d'être mis hors de combat eux aussi.
Devant ces pertes sévères, et le Bataillon de droite du 4ème Cuirassiers étant lui-même arrêté, vers 8 heures, le Colonel donne l'ordre de suspendre le mouvement et même de retirer les éléments trop engages pour s'établir dans une situation plus favorable.
A 9 heures, le Bataillon De LAMMERVILLE est installé au Nord de la route de BINARULLE au moulin de l'HOMME-MORT qui lui a servi de base de départ, mais à sa gauche, le Bataillon LABOUCHE ne peut se conformer au mouvement prescrit il se maintient sous la protection d'un faible talus, le long du chemin oriente vers l’Est et partant des dernières maisons au Nord de BINARVILLE. Tout mouvement, même d’isolés ne peut se faire sur ce glacis implacablement balayé, les efforts tentés pour relever les blessés et les morts sont entravés par l’ennemi, qui tire impitoyablement jusque sur les équipes de Brancardiers.
C’est dans cette situation tragique que se passe la journée du 7. Toutefois, à droite le 308ème R. I. U. S. déborde peu à peu sur la zone d’action du 1er Bataillon et le force, pour éviter de nouvelles pertes, à s’échelonner en profondeur. A la nuit, le 2ème Bataillon prendra le même dispositif.
Vers 21 heures 30, deux déserteurs du 232ème allemand se rendent à nos avant-postes et déclarent que leurs Compagnies se sont repliées, ne laissant en ligne qu'une seule mitrailleuse légère par Compagnie. En même temps le Colonel est avisé que les Américains se sont portés en avant à la tombée de la nuit et ont délivré les débris de six de leurs Compagnies encerclées depuis quatre jours près du moulin de CHARLEVAUX. Il y a là une situation peu claire, dont il y a lieu peut-être de profiter. Ordre est donc donné aux 1er et 2ème Bataillons de diriger chacun au petit jour une reconnaissance offensive sur la Tranchée de la PALETTE-PAVILLON.
A la gauche du Régiment, les patrouilleurs du Sous-lieutenant YVERNEL, de la 6ème Compagnie, se heurtent, vers 2 heures du matin, aux mitrailleuses ennemies toujours aussi vigilantes, mais au contraire, à droite, la reconnaissance de l’Adjudant COLONNA, du 1er Bataillon, progresse sans être inquiétée et peut même sauter dans la partie Sud de la Tranchée de la PALETTE-PAVILLON, où elle se maintient. Sur ce renseignement important, le Bataillon De LAMMERVILLE reçoit l’ordre de se porter en avant, et au petit jour, le 8 Octobre, par infiltration il occupe toute la Tranchée de la PALETTE-PAVILLON, son objectif de la veille que l'ennemi, s'avouant vaincu devant son énergique et constante pression, vient d'évacuer
Vers 10 heures, se liant ace mouvement, le Bataillon LABOUCHE atteint, lui aussi, cette même Tranchée plus à l'Ouest.
A midi comme les Américains le prennent leur marche en avant vers le ravin de BIÈVRES, un ordre du Général DESTREMAU prescrit au 4ème Cuirassiers de s’emparer des Tranchées de CHARLEVAUX et de la PALETTE. L'attaque échoue sur ce terrible glacis devant l’intensité des feux de mitrailleuses, comme avait échoué, le 1er Octobre, l’attaque du 2ème Bataillon.
Mais, cette fois, les conditions sont changées le flanquement dominant de la PALETTE~PAVILLON est en notre possession, et déjà vers le moulin de CHARLEVAUX, les Américains menacent les mouvements ennemis dans le ravin de BIÈVRES. Puisque l’attaque frontale du 4ème Cuirassiers se heurte à une résistance encore trop solide, une manœuvre d’aile du 9ème Cuirassiers lui viendra en aide.
Le Bataillon LABOUCHE, ayant une base solide dans les bois de la PALETTEPAVILLON, va foncer vers le Nord-est, traverser, en le nettoyant le ravin de BIÈVRES et faire tomber, en la tournant la défense de la Tranchée de CHARLEVAUX. Cette ruée audacieuse à travers les broussailles de ce versant abrupt sera d’ailleurs appuyée et facilitée par un mouvement encore plus excentrique du Bataillon De LAMMERVILLE qui contournera par la rive Nord est l’étang de POLIGNY, en articulant ses Compagnies de façon à maintenir la liaison avec les Éléments Américains.
Ces mouvements sont aussitôt amorcés. La nuit tombe au moment où, à la gauche du 3ème Bataillon, la Compagnie AGNUS qui sous le couvert des bois, s’est avancée à proximité de la Tranchée de CHARLEVAUX, s’en empare par un coup d’audace remarquablement conçu et exécute Petidant que les Sections YVERNEL et PIGNOL progressent encore d’une centaine de mètres et neutralisent par leurs V. B. et leurs F. M. les mitrailleuses allemandes, la Section FARDOIT organise le terrain conquis. Grâce à cette brillante opération, menée avec tout leur cœur par les Cuirassiers du Lieutenant AGNUS, sur ce terrain où déjà, le 1er Octobre ils ont si cruellement souffert, les Sections avancées du 4ème Cuirassiers profitent de la possibilité qui leur est donnée de se porter eu avant et viennent dans la nuit, relever la Compagnie AGNUS dans la Tranchée de CHARLEVAUX.
Le 9 Octobre, dès le petit jour, le mouvement débordant reprend par l'Est, mené vigoureusement par le Bataillon De LARNMERVILLE, conservant à travers fourrés, marécages et ravins, une liaison constante avec les Américains, le 1er Bataillon contourne rapidement l'étang de POLIGNY et arrive bientôt sur la coupure de la WALERNE.
De son côté, le Bataillon LABOUCHE, aide par ce mouvement débordant reprend sa progression. Successivement, il dépasse les abris du MUDRA-LAGER puis le ravin de BIÈVRES, enfin ses patrouilles prennent pied sur le plateau de la Cote 176. A 11 heures 30, les éléments de tête s'arrêtent au chemin de faite dominant le profond ravin du ruisseau de LANÇON.
La manœuvre débordante des deux Bataillons à pleinement réussi. Sur tout le front d’attaque, l'ennemi se montre de moins en moins ardent. En conséquence ordre est donne au 9ème Cuirassiers de se laisser dépasser par le 4ème qui continue sa marche vers le bois de la TAILLE prenant à son compte la liaison avec les Américains.
A la nuit, le P. C. du Colonel et le 2ème Bataillon se portent aux abris allemands du ravin de LANÇON (BALDRINGER-LAGER, tandis que le 1er Bataillon occupe, plus à l'Ouest, les abris du moulin de LANÇON. Le Régiment y stationne, en réserve de Division.
Les opérations du 3ème Bataillon, les 8 et 9 Octobre.
Pendant qu'au nord de BINARVILLE, les 1er et 2ème Bataillons faisaient au prix de rudes et douloureux efforts sentir si utilement leur action dans la bataille, que faisait donc le 3ème Bataillon.
Placé, dans la nuit du 6 au 7 Octobre, à la ferme de la MOINERIE, il y reste toute la journée du 7, en réserve de Division. Dans la nuit du 7 au 8, il reçoit à son tour une mission délicate.
Mis à la disposition du Colonel, Commandant le 11ème Cuirassiers, dans la région de CONDÉ-les-AUTRY, le Capitaine TAILLAN reçoit l’ordre de faire tomber les organisations ennemies qui sur la Cote 166 défendent les approches Sud-ouest de LANÇON par la vallée de L'AISNE. Le 3ème Bataillon vient dans les ténèbres, se mettre en position d’attaque la droite sur le plateau appuyée à des carrières où se sont déjà accrochés quelques Cuirassiers du 11ème la gauche sur la route AUTRY-BINARVILLE.
A 6 heures après une courte préparation d'Artillerie, les trois Compagnies du Bataillon TAILLAN partent à la conquête de leur objectif. Au centre la 9ème Compagnie, enlevée par le Sous-lieutenant LELIÈVRE, s’élance droit au Nord, franchit des fais de fer mal détruits, mais atteint néanmoins des 6 heures 20 son objectif, le vaillant Maréchal des Logis PERNOT tombe sur la position conquise en achevant de la nettoyer de ses derniers défenseurs.
En même temps à droite la 10ème Compagnie se porte à l'attaque face à l'Est, appuyée par le feu des unités du 11ème Cuirassiers occupant les carrières. Le Lieutenant CURY réussit pleinement lui aussi et même la Section du Sous-lieutenant De SAINT-POL s’empare audacieusement d'un abri où elle capture deux minen et de nombreux servants.
Enfin, à la gauche, la 11ème Compagnie, énergiquement conduite par le Sous-lieutenant DOLLE attaque face à l’Ouest, pour couper la ligne de retraite ennemie entre AUTRY et LANÇON. Malgré de terribles rafales de mitrailleuses les Groupes de Combat du Sous-lieutenant MARTIN progressent et se font de plus en plus menaçants. Toutefois la gauche de la Compagnie est paralysée par l’action meurtrière d'un blockhaus de mitrailleurs allemands. Le Brigadier BATTLO ne se laisse pas intimider il utilise judicieusement les quelques braves qui restent encore à son escouade. Pendant qu'un feu nourri de V-B aveugle les créneaux il se glisse lui-même sur le flanc du centre de résistance et, donnant au moment opportun le plus bel exemple de courage et d’abnégation il entraîne brillamment sa poignée de Grenadiers. Cette rapide opération locale est d’ailleurs fructueuse, puisque le vaillant Brigadier à la satisfaction de faire lever les bras à 30 prisonniers dont un Commandant de Compagnie et que, d'autre part, en muselant les terribles mitrailleuses, il a retiré à l'ennemi un de ses principaux points d’appui.
Ses camarades en profitent aussitôt et achèvent rapidement de nettoyer toute la région jusqu’à la rivière. Le Sous-lieutenant MARTIN tombe grièvement atteint de deux balles en accomplissant cette mission.
Quoi qu’il en soit, à 7 heures, tous les objectifs assignes au Bataillon TAILLAN sont atteints et la liaison est même établie dans AUTRY avec 71ème D. I., opérant sur la rive gauche de L’AISNE. Le terrain est conquis, il faut le conserver ! C’est l’effort le plus dur car la Cote 166 domine toute la vallée jusqu’à LANÇON, et l'ennemi, pour garder ce village, essayera nécessairement de reprendre cette crête essentielle. Aussi en toute hâte le Capitaine TAILLAN organise-t-il sa défense. Les S. M. du Lieutenant PERNEL sont poussées en avant et s'assurent de magnifiques champs de tir. Une réserve est constituée vers le PAQUIS à contre-pente avec tous les éléments de la 11ème Compagnie qui ne sont pas nécessaires à la surveillance de la vallée de L'AISNE. En même temps, les 9ème et 10ème Compagnies s’accrochent au terrain face à l’Est et s’organisent en profondeur.
Dès 7 heures 30, après un très violent bombardement de quelques minutes, une contre-attaque ennemie se déclenche. Elle est brisée par nos feux. Les Allemands cherchent alors à s’infiltrer à la soudure du Bataillon avec les éléments du 11ème Cuirassiers. La menace devient inquiétante la section du Sous-lieutenant De SAINT-POL y pare d’abord, mais il est bientôt lui-même sur le point d'être coupé du reste de la 10ème Compagnie. Le Maréchal des Logis DARNAUD s’offre pour assurer la liaison, il fait quelques pas et tombe mortellement blessé par une rafale de mitrailleuses. Le Brigadier BOIDIN se lève pour tâcher de situer les nids de mitrailleuses une balle l’atteint à la tête. Bravement il se relevé et plus ardent encore, il reprend sa dangereuse observation. Cette fois il retombe foudroie d’une balle en plein front. Toutefois le Maréchal des Logis D’AUVERGNE a pu situer un Groupe de Combat ennemi pour le combattre, il place lui-même son équipe de F. M. et debout lui indique son champ de tir, à son tour, il roule mortellement touché. Mais tant d’efforts sublimes ne devaient pas rester vains, car le Capitaine TAILLAN a eu le temps d’envoyer les renforts nécessaires au maintien de la ligne et la 2ème tentative ennemie est à son tour enrayée.
Toutefois, la situation reste critique car les munitions vont manquer tant mitrailleuses et F-M ont eu d’objectifs à battre. Comment effectuer ce ravitaillement urgent, alors que les effectifs sont déjà si réduits pour garder le terrain conquis ? Heureusement le Maréchal des Logis Artificier DUCOLLET ne se laisse pas embarrasser par les difficultés de sa tâche et, groupant sous son énergique commandement toutes les bonnes volontés il réussit à alimenter copieusement la première ligne en cartouches et en grenades. Grâce à cette providentielle « corvée » au cours de laquelle rivalisent d’endurance et de courage tous les « embusqués » du champ de bataille, Coureurs, Téléphonistes, blessés légers intoxiqués etc. l’héroïque intrépidité des Cuirassiers peut venir à bout d’une 3ème, puis d’une 4ème contre-attaque allemande. A la nuit comprenant que cette importante position est décidément perdue sans espoir, l’ennemi renonce à ses meurtrières tentatives et ne réagit plus que par son Artillerie. Ses obus toxiques ne peuvent pas venir davantage à bout de la ténacité de gens qui comme le Maréchal des Logis FELLONEAU garde depuis le matin avec ses quatre braves MAILLARD, ROSÉ, PELOIS et LAFOURCADE, la passerelle d’AUTRY. Tous cinq, gravement intoxiqués, restent à leur poste sans jamais faiblir et ne s’en vont que le lendemain, une fois relevés. Le Lieutenant CURY et le Sous-lieutenant De SAINT-POL sont eux aussi intoxiqués, le Sous-lieutenant CHAUVAUD de la 9ème Compagnie, remplacé au pied levé le Lieutenant CURY au commandement de la 10ème Compagnie qui reste stoïque sous le bombardement.
Malgré ce rude effort aboutissant à un si beau succès, la mission du 3ème Bataillon n’est pas terminée. Dès le soir du 8, le commandement lui demande de compléter son œuvre en enlevant la scierie et le moulin de BIÈVRES.
Immédiatement le Maréchal des Logis HUET est envoyé avec les restes de sa Demi-section reconnaître la position à enlever. A la faveur de l’obscurité, cette poignée d'intrépides patrouilleurs se glisse le long de la route d’AUTRY à LANÇON et réussit à atteindre les abords de la scierie. Pour exécuter minutieusement sa délicate mission, le Maréchal des Logis HUET seul avec un Grenadier, s'avance encore plus près mais le bruit le trahit et l’ennemi ouvre un feu terrible de mitrailleuses et même de minenwerfer. Ainsi se dévoilent tous les nids de résistance qu’avec un sang-froid imperturbable, HUET repère de façon précise. La mission est admirablement rempli, il rentre avec tout son monde et vient aussitôt apporter au Capitaine TAILLAN les renseignements les plus nets en vue de l’attaque du lendemain matin.
Avant le lever du jour un Groupe de Combat se glisse le long de L’AISNE, prenant la position ennemie à revers sur le plateau pendant que les mitrailleuses du Capitaines De CHANTERAC viennent fortement étayer la droite de la ligne, la masse de la 9ème Compagnie, appuyée par des éléments de la 10ème, commence à descendre les pentes en direction de la scierie de BIÈVRES. Menée avec beaucoup d’entrain à la faveur d’une brunie propice, l’opération réussit pleinement. Attaqué à la grenade à la fois par l'Est et par l’Ouest, l’ennemi se replie précipitamment dans la direction de LANÇON, laissant entre nos mains de nombreux prisonniers et un important matériel. La Compagnie LELIÈVRE commence aussitôt la poursuite, mais le Bataillon reçoit l’ordre d’arrêter son mouvement et de se laisser dépasser par un Bataillon du 11ème Cuirassiers qui s’empare peu après de LANÇON.
Le Général DESTREMAU reconnaît d’ailleurs toute la valeur de l’effort fourni par le Bataillon TAILLAN au cours de ces deux journées en lui accordant la citation suivante à l’Ordre N° 13 de l'Infanterie Divisionnaire :
« Commandé par le Capitaine TAILLAN et mis à la disposition du Général Commandant l’I. D. pour l’enlèvement ‘une position puissamment organisée, s'est porté à l'attaque le 8 Octobre 1918 avec une bravoure et un élan qui ont eu raison de la résistance acharnée de l'adversaire et ont amené les plus brillants résultats.
« Le lendemain 9 Octobre a exécuté une opération de surprise avec une adresse et avec une audace qui lui ont valu un plein succès.
« A capturé au cours de ces combats 107 prisonniers, 21 mitrailleuses et un important matériel ».
En définitive, quand le 9 Octobre, à la tombée de la nuit, le Régiment se trouve rassemble en réserve de Division dans les abris de la région Sud de LANÇON, chacun peut être fier de l’appoint qu’il a, apporte dans la lutte. Que ce soit le 1er Bataillon à la PALETTE-PAVILLON et à l’étang de POLIGNY où le 2ème Bataillon à la Tranchée de CHARLEVAUX et à la cote 176, où le 3ème à la Cote 166 et à la scierie de BIÈVRES partout le Régiment a pris une part glorieuse à l’enlèvement des points vitaux de la défense de la position de LANÇON, et cette position enlevée, c’est l’important défile de GRANDPRÉ mis à notre portée immédiate !
Le lendemain 10 Octobre, la Division tout entière est relevée par les Américains qui se soudent directement à la 77ème D. I. Le Régiment retourne au repos dans la région de la vallée MOREAU et de SERVON témoins, quelques jours avant, de combats si acharnés. La première pensée du colonel est pour remercier ses braves Cuirassiers de leur ardeur et de leur ténacité, et l’ordre du jour N° 303 se termine par ces chiffres plus éloquents que bien des phrases :
« Vos prises au cours de ces quinze jours de lutte comprennent :
« 250 prisonniers, dont 2 Officiers ;
« 35 mitrailleuses ;
« 3 fusils contre-tanks ;
« 2 canons de campagne ;
« 4 minenwerfer ;
« Plus de 60 caisses de munitions ;
« Un matériel du génie considérable ;
« Votre tâche était rude. Vous l'avez remplie courageusement, de toutes vos forces avec tout votre cœur.
« Votre œuvre est belle et vous pouvez en être fiers ! »
Mais si les vivants ont le droit de s’enorgueillir de leur glorieuse moisson de trophées personne n’oublie les camarades tombés en route et dont l’exemple héroïque a soutenu les cœurs contre toutes les défaillances. Le 11, une cérémonie religieuse, au cours de laquelle le Général BRÉCARD prononce quelques paroles d'adieux émus à ses Soldats morts pour la FRANCE réunit au cimetière militaire de la MARE-aux-BOEUFS tous les survivants de ces luttes presque surhumaines qui, après les avoir vengés, viennent, recueillis et graves, prier sur la tombe de leurs camarades.
Enfin, le 12, le Régiment va stationner à BRAUX SAINTE COHIÈRE et DAMPIERRE sur AUVE, mais chacun se tient prêt à affronter de nouveaux combats. C’est, en effet le moment où l'ALLEMAGNE, ébranlée par les rudes chocs que lui portent sans répit les Armées Alliées, tente de se dérober à l'étreinte militaire par la subtilité diplomatique, et tout le monde, au 9ème, pense, comme le Général BRÉCARD, que nous sommes arrivés à l’heure la plus grave de toute la guerre, celle où l’ALLEMAGNE vaincue essaie d’un subterfuge pour obtenir le répit sans lequel elle est irrémédiablement perdue.
Ce répit, elle ne l'aura pas ! Nous sommes maintenant sur la route de la victoire, nous ne nous arrêterons plus, il n'y a pas un Français qui consentirait à s'arrêter ! (Ordre Général de la 1ère D. C. P. N°24)
C’est au milieu de ce repos anxieux, qu’arrive pour le Régiment, le 15 Octobre, l’ordre de se mettre en route vers le Nord pour rentrer dans la bataille.
La forêt d'ARGONNE (10 Octobre 3 Novembre).
Quelle situation va-t-il trouver ! Les attaques de l'IVème Armée Française à l'Ouest et de l'Ière Armée Américaine à l'Est ont continué sans arrêt et à gauche comme â droite, menacent de plus en plus les défenses ennemies de l'ARGONNE. Toutefois, rejeté au-delà du défilé de GRANDPRÉ l'ennemi s'est ressaisi sur une solide position qui court sur la crête boisée au Nord
De TERMES, et de là, copieusement pourvu de mitrailleuses, presque insaisissable sous le couvert des bois, il nargue nos tentatives de progression.
Le 17, le Régiment relevé le 217ème R. I. de la 71ème D. I. Il est en réserve de Division, le P. C. du Colonel à TERMES, les Bataillons dans les ravins au Nord et à l’Ouest de cette localité.
Le 18, des 6 heures du matin, le 4ème et le 11ème Cuirassier attaquent la croupe boisée au Nord de BEAUREPAIRE, en liaison à gauche avec la Division Marocaine qui opère dans la région d’OLIZY. Le Bataillon TAILLAN est poussé en soutien jusqu'à la Ferme de la BERGERIE. L'opération est prématurée, l’Artillerie, rendue aveugle par les grands bois d'ARGONNE, situe mal les nids de résistance, et l'Infanterie se heurte à un grand nombre de mitrailleuses qui entre croisent leurs feux sournois et meurtriers.
Le lendemain 19 Octobre, à 10 heures 30, le 4ème Cuirassiers, soutenu cette fois par le Bataillon De LAMMERVILLE, tente de se porter de nouveau en avant pour profiter des progrès qu'à grand' peine a réalisés la Division Marocaine dans le secteur d'OLIZY ; mais les pertes subies et les difficultés inouïes du terrain arrêtent presque au début cette nouvelle tentative.
II est maintenant évident que malgré ce qui se passe en CHAMPAGNE et sur la rive gauche de La MEUSE, l’Allemand ne pense pas à se replier en ARGONNE.
Les journées du 20 et du 21 se passent, sous un déluge d'obus toxiques, à préparer une nouvelle attaque ! Elle se déclenche dans la matinée du 22. Magistralement conduite et fortement appuyée, la progression des Marocains se fait sans éprouver une trop forte résistance dans le secteur d'OLIZY.
Aux premières nouvelles de cette avance heureuse, ordre est donne au Régiment de l’appuyer et de la prolonger vers l’Est, en dépassant la ligne tenue par le 4ème Cuirassiers. A gauche, le Bataillon LABOUCHE franchit le ruisseau de BEAUREPAIRE, relevé des éléments du Régiment de droite de la Division Coloniale (le fameux R. I. C. M.) et réussit à s'installer sur les pentes delà croupe ouest de Beaurepaire Mais, à droite, le Bataillon Taillan, qui a pour objectif la Cote 222, est arrête par la violence des feux dès son entrée en ligne. L'attaque est à reprendre complètement.
Ce sera la mission donnée par le 38ème C. A. à la 1ère D. C. P. pour la journée du 23. Les trois Régiments y participeront. Tandis qu'à droite les Cuirassiers déborderont le saillant 222 par l’est et qu’au centre le 11ème Cuirassiers progressera en liant son mouvement à celui du 4ème Cuirassiers à gauche, le 9ème attaquera par l’Ouest du moulin, en direction du Nord-est.
A 10 heures 30, l’attaque se déclenche, menée par le Bataillon LABOUCHE, le Bataillon De LAMMERVILLE en soutien.
Les mitrailleuses tirent sans arrêt, rendant des plus pénibles la progression. Toutefois, la magnifique 6ème Compagnie du Lieutenant AGNUS se lance hardiment à travers les taillis et réussit à bousculer l'ennemi et à le rejeter au-delà du ruisseau de LONGWÉ. Un moment, les deux Sections de tête (Adjudant FARDOIT et Sous-lieutenant MATTEI) emportées par leur ardeur, dépassent même un nid de mitrailleuses, dont les occupants revenus de leur surprise essaient de mettre les pièces en batterie. A l'appel du Sous-lieutenant MATTEI, le Brigadier SERMINIT les Cavaliers DELAPORTE et VANNIER s’élancent sur eux, révolver au poing.
Treize prisonniers et deux mitrailleuses sont captures. Malheureusement, d'un autre côté, le Maréchal des Logis PRÉVOST et le Cavalier SAUREL sont tués, quelques minutes plus tard en ramenant à l'arrière d'autres prisonniers, ils ne s'étaient pas méfiés d’un fourré mal purgé de ses défenseurs.
Cette brillante action du moulin de BEAUREPAIRE, s'ajoutant à l'actif de la Compagnie AGNUS, lui mente la citation suivante à l’Ordre du Régiment N° 313 :
« Belle Troupe, pleine d'allant et manœuvrière. Le 8 Octobre 1918, sur l'initiative de son Chef, le Lieutenant AGNUS s'est lancée, à la faveur de la nuit, à l’attaque d’une Tranchée devant laquelle fa étaient brisées les tentatives d'un Bataillon voisin, s'en est empare, y a fait des prisonniers et a permis ainsi la reprise du mouvement sur toute la ligne (affaire de la Tranchée de CHARLEVAUX)
« Le 23 Octobre, chargée d'attaquer une position boisée tenue par un ennemi nombreux,
S'est jetée résolument au milieu des Groupes de défenseurs et les a dispersés, capturant des Prisonniers et des mitrailleuses ».
Toutefois l’attaque n'a pas eu partout le même succès.
Si, à la nuit, le Bataillon LABOUCHE occupe, couvert par d'activés patrouilles, la croupe Ouest du moulin de BEAUREPAIRE, par contre, a sa droite, le 4ème Cuirassiers n’a pas pu progresser.
Ainsi, depuis plusieurs jours, le Régiment se heurte à une résistance acharnée. Dans le cloisonnement et le mystère de cette forêt où les crépitements des mitrailleuses se répercutent à l’infini dans les échos des ravins, le moral d’une troupe s’use rapidement s'il n’est pas soigneusement entretenu, la fatigue des marches de nuit par des sentiers sombres et rocailleux les brûlures et les intoxications causées par les drogues infernales des Allemands et par-dessus tout, l’insuccès de leurs efforts répètes depuis six jours auraient-ils enfin raison de l’ardeur et de la ténacité des Cuirassiers à Pied ? Non ! Car le rayonnement d’une absolue confiance dans la victoire n’en brille pas moins dans les yeux de ces intrépides combattants, et, dans leurs visites à la ligne avancée le Colonel, aussi bien que le lieutenant-colonel Du BOURG, dont la Fourragère Rouge, la Fourragère du Quinze Deux (152ème R. I.) annonce de loin la venue, constatent toujours chez eux la même ardeur, la même volonté de vaincre que rien n’a abattu, que rien n’abattra. Si cette barrière de feux de meute infranchissable si toutes les manœuvres pour la faire tomber ont échoué, du moins il ne faut pas que par une ruse habile et à la faveur des fourrés propices, l’ennemi se dérobe à l’improviste.
C’est à quoi veille le commandement.
Par son ordre des patrouilles fréquentes, soit de jour, soit de nuit, vont surveiller l’ennemi constater sa présence aux mêmes points ou le cas échéant, saisir le moindre signe de repli ou de défaillance et bondir dans toute ouverture qui viendrait à se découvrir dans la ligne tenue.
Enfin, le 1er Novembre, la décision va être encore une fois cherchée. L’Armée GOURAUD doit attaquer, ce matin-là, dans la boucle de L’AISNE, vers VOUZIERS, tandis qu’à l'Est les Américains doivent pousser en direction de BUZANOY. Le 38ème C. A., et chargé de continuer sa mission en liaison à travers l’ARGONNE et doit s’efforcer d'atteindre le défilé de la CROIX-aux-ROIS. La D. C. P. reçoit, en conséquence, la mission d'exercer une pression constante et vigoureuse sur l’ennemi et de mettre à profit tout fléchissement dans sa résistance.
Au 9ème Cuirassiers échoit la tâche délicate de progresser le long du LONGWÉ, en liaison à gauche avec le 358ème R. I. (qui a remplacé le R. I. C. M.) et de s’élever sur les pentes à l'Est du ruisseau, en vue de déborder la région boisée qui fait face à BEAUREPAIRE. A droite, la liaison sera cherchée avec le 4ème Cuirassiers.
Le Régiment s'échelonne en profondeur le Bataillon TAILLAN vient dans la nuit prendre ses emplacements de départ sur la croupe à l'Ouest du moulin de BEAUREPAIRE, le Bataillon LABOUCHE tient la position comme Troupe de garnison, le Bataillon De LAMMERVILLE reste alerte, dans le ravin Ouest de TERMES.
Au petit jour, le 1er Novembre, la Compagnie MOUROUZY entame le mouvement, poussant deux reconnaissances au-delà du ruisseau une Demi-section, sous les ordres du Sous-lieutenant
GROSDIDIER., doit longer le LONGWÉ, puis se rabattre vers l’Ouest, tandis que la Demi-section du Maréchal des Logis SABRAN doit fixer l'ennemi, l’occuper sur son front et tenter de faire tomber un à un ses nids de résistance sur les pentes boisées de la croupe 222.
Cette double opération bien menée, bien coordonnée réussit d’abord admirablement.
A 6 heures 30, le ruisseau franchi, le Maréchal des Logis SABRAN attaque deux mitrailleuses qu’il a pu situer exactement, et, aide par la menace du Sous-lieutenant GROSDIDIER s’en empare, ainsi que de leurs servants (deux feldwebels et seize hommes).
L'ennemi, déroute commence à céder. Le Capitaine MOUROUZY, désireux de compléter son premier succès se porte lui-même en avant, à la tête d’une Section, pour appuyer ses reconnaissances et leur permettre de gagner du terrain. En même temps, il recherche ses liaisons. A gauche, de l’autre côté du ruisseau, le Maréchal des Logis GROS, avec huit hommes de la 11ème Compagnie, progresse lui aussi avec intrépidité et se relie au 358ème R. I. Mais à droite, que devient le Régiment voisin, le 4ème Cuirassiers ? L’Adjudant HUCHET, avec le
Cavalier PEYRACHE part dans ce terrain boisé et raviné, battu de tous côtés par les mitrailleuses allemandes, et, après avoir traversé par deux fois les organisations ennemies, rapporte le renseignement que les reconnaissances lancées par le 4ème Cuirassiers n'ont pas pu déboucher. La situation devient de minute en minute plus critique ; mais, avant de donner l'ordre de repli, le Capitaine MOUROUZY veut se rendre compte en personne de la possibilité de conserver le terrain conquis. Debout sous une grêle de balles, il donne à tous ses hommes le plus bel exemple de bravoure et de sang-froid. Une balle l'atteint au côté au moment où il donnait un ordre au Sous-lieutenant GROSDIDIER ; ce dernier, au même moment, à la mâchoire fracassée par une balle ; il revient sur ses pas et trouve la force de se moquer de sa propre-souffrance : « Vous le voyez, mon Capitaine, je n'aurai plus besoin de brosse à dents..., Mais on les a eus tout de même ! »
De son côté, se maîtrisant, sentant ses forces sur le point de le trahir, le Capitaine MOUROUZY continue à donner ses ordres, s'efforçant de cacher à ses hommes la gravité de sa blessure ; voyant qu'il n'est pas étayé sur son flanc droit et que celui-ci est pris d'enfilade par des mitrailleuses, il décide de ramener ses Sections à leur base de départ, et là, sa mission terminée, il consent enfin à se laisser évacuer.
Il devait succomber le lendemain à l'Ambulance, laissant à ses hommes le souvenir d'un bel exemple du devoir noblement accompli et du dévouement suprême à sa patrie d'adoption.
Tant d'efforts héroïques vont porter leurs fruits.
La soirée du 1er Novembre est très agitée.
L'ennemi canonne violemment par obus explosifs et toxiques nos premières lignes, ainsi que les ravins de LONGWÉ et de BEAUREPAIRE. Puis à minuit, tout se tait, un silence que rien ne trouble s'étend sur l'ARGONNE.
Contraste suspect ! Aussi, de bonne heure, partent nos reconnaissances. Quelques rafales de mitrailleuses les accueillent, mais peu nourries et plus espacées. Alors, dès l'aube, le régiment est lancé de nouveau sur ses objectifs.
Le Bataillon LABOUCHE a remplacé le Bataillon TAILLAN ; le Bataillon de LAMMERVILLE élargit son action vers la droite, avec mission de nettoyer le saillant boisé au Nord de BEAUREPAIRE. Dès 7 heures, l'ennemi ne tire plus ; les mitrailleuses des éléments d'arrière-garde se sont dérobées ; nos patrouilles avancent librement, les Bataillons les appuient et, par la FONTAINE-de-BROYE, se dirigent sur le CHÊNE-PATE qu'ils atteignent à la fin de la journée.
La résistance de l'ennemi, usée par l'activité opiniâtreté nos cuirassiers, est décidément tombée. Il n'y a plus qu'à poursuivre. Tous le sentent et, malgré la fatigue, se préparent à reprendre, au petit jour, le mouvement en avant pour atteindre la coupure de la CROIX-aux- BOIS, ambitionnant déjà, pour un jour prochain, de se voir parmi ceux qui, à l'appel du Général MAISTRE, vont s'emparer de SEDAN et « changer un nom de désastre en un nom de gloire ».
Mais, dans la nuit, les mouvements convergents des grandes unités voisines ne lui laissant plus de place, la 1ère D. C. P. est retirée de la bataille. Le Régiment s'arrête quelques jours à CHAUDEFONTAINE, y fait célébrer un service pour ceux qui viennent de tomber au champ d'honneur puis gagne son cantonnement de repos : le camp d'AUVE.