ROBERT DE CLARI EN AMINOIS
CHEVALIER
MESSIEURS,
A la séance du 11 mai dernier, notre collègue M. Durand vous offrait, de la part de M. Ch. Bréard, aussi de notre Société, un bel exemplaire relié de « li Estoires de chiaus qui conquisent Constantinople de Robert de Clari en Minois chevalier. »
Cette édition, donnée par M. le comte Riant de l'institut, d'après le manuscrit de la Bibliothèque de Copenhague1, est rare pour des raisons qu'une note très intéressante de M. J. Kaulek, placée sur la feuille de garde en tête du volume offert et datée de Janvier 1878, nous fait amplement connaître.
Elle réduit, à sa véritable proportion, l'incident un peu romanesque auquel M. Alfred Rambaud2 attribue la destruction de cette publication. L'éditeur lui-même en a donné l'ordre avec l'intention de présenter un texte plus correct. La mort seule a été l'obstacle qui a arrêté le comte Riant dans son œuvre.
M. Rambaud donne, comme lieu de naissance de Robert de Clari, le village de Clairy-Saulchoy au S.-O. d'Amiens.
Pour lui, le chroniqueur de la IVème croisade n'est pas noble ou peu s'en faut. « De petite noblesse il possédait à Amiens, d'après les renseignements locaux, une boucherie3 » ; et quelques lignes plus bas :
« Notre Robert de Clari l'Amiénois (sic) était-il chevalier ? Il se donne cette qualification dans « son livre : on aurait quelque motif, comme on va « le voir, à la lui contester. »
Suit une étude sur li Estores rendant justice au talent du chroniqueur, à l'originalité de ses remarques, à l'exactitude de ses informations, à la vie naïve répandue dans son récit, à sa fidélité à décrire les faits et gestes de ses compagnons Artésiens et Picards.
Robert de Clari n'est pas Amiénois.
Il est chevalier de Clari en Amiénois.
Fils de chevalier, chevalier lui-même, cela ressort de son assertion et des actes authentiques où il a figuré et que nous citons à la suite de cette notice, comme pièces justificatives.
Nous n'avons pas pu vérifier s'il avait un fief sur les boucheries d'Amiens.
De quel village de l'Amiénois l'auteur tirait-il son nom ?
Robert de Clari, le vaillant chevalier qui a raconté la croisade à laquelle il prit part, portait le nom d'un pays situé sur la rive droite de la Somme. Il était de Cléry, écart dépendant, aujourd'hui, de la commune de Pernois, figurant, au dénombrement de 1896, avec une population de 7 habitants4.
Aux XIIème et XIIIème siècles, Cléry-les-Pernois s'appelait Clari et il ne faut pas le confondre avec Clairy-Saulchoix5 non plus qu'avec Cléry-sur-Somme6 qu'à cette époque on rencontre, dans les textes, sous le même vocable, Clari.
Clari ou Cléry-les-Pernois était englobé dans les grandes possessions de la maison d'Amiens.
Cette famille très importante descendait des Châtelains d'Amiens (3) qui avaient lutte contre Louis le Gros, l'évêque S‘ Geoffroy et les bourgeois de la cité pour empêcher l'établissement de la charte communale (1113-1117). Elle possédait sur la rive droite de la Somme, au N.-O. d'Amiens, remontant jusqu'à l'Authie, l'Etoile (4), Flixecourt {5), Vignacourt (6), Flesselles (7), Talmas (8). Havernas(9), Canaples(10), Outrebois(11).
Les de Clari étaient ses vassaux, le chef-lieu de leur fief siégeait entre Flixecourt et Canaples, à l'ouest d'Havernas, au nord de Vignacourt.
De Cléry-sur-Somme, ils auraient dépendu du comté de Vermandois : de Clairy-Saulchoy, ils eussent été encore de l'Amiénois, mais ils eussent tenu directement leurs terres des vidâmes d'Amiens, seigneurs de Picquigny. (I)
Ils sont de Cléry-les-Pernois, ils sont les féaux des d'Amiens, seigneurs de Flixecourt, de Vignacourt, de Flesselles, etc. Ils figurent, comme à leurs hommes » dans les actes pour leur donner l'authenticité par leur témoignage, ils les suivent, dans leurs expéditions, même celles d'Outre-mer, comme chevaliers, sous leur bannière, attestant leur puissance.
Le fief de Clari ou plutôt de Cléry-les-Pernois était, probablement à cette date, de la mouvance de la châtellenie de Vignacourt. IL dépendit plus tard de la temporalité de l'Evêché
Aux Archives Départementales de la Somme, on trouve un atlas, G. 79, et un répertoire des terres, G. 80, portées sur les cartes.
11 s'agit du village et terroir de Pernois appartenant à Mgr de Machault, évêque d'Amiens, de 1774 au Concordat.
Le fief de Cléry y ligure sous les cotes 3 à 13. La parcelle 6 que détiennent Quentin et Charles Gaffet est de 1 journal 21 verges 3/10 et renferme seule une masure : les autres sont non amasées.
La totalité est de 15 journaux 30 verges, soit 6 hectares 45 arcs 81 centiares et Pernois était du domaine épiscopal par suite d'une acquisition faite en 1282.
Le fief de Cléry est délimité :
Au nord, par la rivière de la Nièvre ;
Au sud, parle chemin de Berteaucourt à Halloy ;
A l'est, par les premières maisons de ce dernier village. Il touche presque au moulin d'Halloy.
A l'ouest, par la rue de Pernois que l'on appelle rue du Pont et qui, après avoir franchi la rivière, vient couper le chemin allant de Berteaucourt à Halloy pour gagner Vignacourt.
Gilon de Clari, père de notre chroniqueur (1), est vassal de Dreux d'Amiens, seigneur de Flixecourt, peut-être pour son fief de Clari, en tous cas pour d'autres fiefs. Il figure, dans un acte de 1195 où l'évêque d'Amiens, Thibault d'Heilly, repousse, au profit de l'abbaye de St Jean lez cette ville, les prétentions de Gilon sur les bois de Grislieu et les avoines adjacentes (1).
Dreux d'Amiens avait, en 1186, (2) donné à ladite abbaye, la dîme tenue de lui, sauf les fiefs de Manassès Calderon (3), et de Jean, fils de Guibert de la Croix, sur tout ce terroir et il avait confirmé sa pieuse libéralité devant l'évêque Thibault, par acte de 1190 (4).
Il mourut à la IIIème croisade où il accompagna le roi de France, Philippe Auguste, et Gilon de Clari éleva des revendications sur ces terres de Grislieu.
C'est alors qu'intervint la sentence de l'évêque déjà citée (1195) (5), où il imposait silence à Gilon. Pour empêcher le retour de semblables réclamations et de pareils troubles dans la jouissance des droits du couvent, Pierre d'Amiens, fils aîné de Dreux, confirma, tant en son nom personnel qu'en ceux de sa mère et de ses quatre frères, la donation paternelle (1195) (6).
On comprend que, dans la charte de 1186, dans sa confirmation, dans la reconnaissance par Pierre de la pieuse liberté de son père, Gilon de Clari ne paraisse pas,
Sa présence, dans les actes de 1186 et 1190, ne lui eut pas permis d'élever ses prétentions, en invoquant la bonne foi en 1195. — A cette même époque (1195), témoin dans la charte de Pierre, il eut prononcé, par ce seul fait, sa propre condamnation. Mais, l'année suivante, il remplit ses devoirs. Peut-être son suzerain l'a-t-il dédommagé en lui accordant quel qu'autre fief ?
Nous le voyons figurer, comme témoin, dans la donation de Messire Pierre d'Amiens à l'abbaye de Berteaucourt (1) et à ses hommes, du droit de pâture pour leurs troupeaux sur les prés de toute sa terre (1196) (2).
En 1202, quand le même Pierre donne aux Dames de Berteaucourt 6 setiers de froment, mesure de Domart (3), à prendre à la Saint-Rémi, sur son moulin dit de St-Jean entre Berteaucourt et Pernois, Gilon figure encore dans cet acte de pieuse fondation à ses voisines (1).
Il a, du reste, paru antérieurement avec son fils Robert, notre chroniqueur, dans des chartes importantes de son suzerain.
Pierre d'Amiens, seigneur de Flixecourt, Vignacourt, Flesselles, etc., voulut suivre l'exemple de son père et voir la Terre Sainte. Il prit la croix. Déjà, depuis 1197, un saint homme, Foulques de Neuilly, curé de ce lieu près de Lagny-sur-Marne, appelait, dans l'île de France, à la délivrance de Jérusalem.
Le 28 Novembre 1199, dans un tournoi près d'Ecry (2), Thibaut, comte de Brie et de Champagne, et Louis, comte de Blois et de Chartres, firent vœu de partir outre-mer.
Le jour des cendres 1200 (23 février), le comte de Flandre et de Hainaut, Baudouin, et les gens de son pays suivirent l'exemple des Champenois et des Chartrains.
Peu après, Hugues, comte de Saint-Pol, son neveu ou cousin germain, Pierre d'Amiens, et bon nombre d'Artésiens et de Picards se joignirent aux groupes précédents (1).
Eu Juin 1200, Pierre, qui était allé au Goulet près de Vernon (2) où le roi de France, après un traité avec le roi d'Angleterre, avait fait le mariage de son fils Louis et de Blanche de Castille (mai 1200), au retour des fêtes et tournois donnés en cette occasion, tomba gravement malade à Meulan (3). Il fit son testament, entouré de chevaliers et de moines picards qui avaient assisté à ces solennités et, pour rémission de ses péchés donna, à l'abbaye S‘-Jean d'Amiens, 20 arpents de bois touchant à Ollaincourt (l) et au Bois l'Abbé (quod neraus abbatis dicitur) (2).
Parmi les chevaliers qui sont témoins dans cet acte figurent : Enguerran de Picquigny, vidame, Hugues de Fontaines (3), Hugues de Villers (4), Aleaume Caperon (5) Enguerran de Ilaidincourt (6) Guarin de Belloy (7) Jean de Nesle (8) Pierre de Salouel (9).
Parmi les religieux : Odon, abbé de St-Jean d'Amiens, son sous-prieur Jean, Raoul Prieur, Jean Froiterie (10) moines de Ste-Marie du Gard (11).
Revenu à la santé, Pierre d'Amiens regagna ses domaines de l'Amiénois. En mai 1202, avant de les quitter de nouveau pour partir outre-mer, il confirma sa donation précédente et y ajouta 15 arpents de forêt.
Ces bois, voisins du terroir d'Ollaincourt et du bois de la Gressoye, étaient situés sur un fief de Hornast (1), séant à Vignacourt, relevant de la châtellenie du dit lieu et tirant vers Havernas.
Dans cette charte, on rencontre, parmi les témoins, Gilon de Clari et son fils, le chevalier Robert.
L'évêque d'Amiens, Thibaut, vidime, par un même acte, le testament de 1200, sa confirmation et l'adjonction faite en 1202. Il insère aussi l'abandon, par divers prétendants, de droits sur les avoines contiguës au bois de la Gressoye (2), car les terres cédées sont défrichées ou des tinées à l'être, le donateur et l'évêque le reconnaissent par l'expression jugera in novalia redacta (3)
Gilon et Robert de Clari sont nommés parmi ceux-ci qui ont fait cette renonciation ainsi que Baudouin de Hamelaincourt que nous retrouverons à la croisade (J).
Ils sont vassaux de Pierre d'Amiens et ont pu posséder, à titre de fief, des parties de dime sur cette terre qu'il entend abandonner libre à l'abbaye S* Jean.
Nous avons vu les de Clari, le père et le fils, remplir, dans les actes do leur suzerain, les fonctions de témoins pour authentiquer par leur présence et consolider, comme vassaux, ses pieuses libéralités.
Robert de Clari va suivre son seigneur en guerre, même au-delà des mers. C'est à cette fidélité, jointe au désir de faire son salut, que nous devons la chronique où il décrit, avec tant de passion, les gestes de Pierre d'Amiens et les prouesses du petit groupe picard et artésien dont il fait partie.
Les termes chaleureux qu'il emploie quand il parle de ce chef de maison dont il suit la bannière, le soin qu'il a de souligner la part importante qu'il tient dans l'armée des croisés (2) ne laissent pas le doute sur le lien féodal qui l'unit à Pierre.
Tous les traits de ce récit naïf et coloré font saillir la part glorieuse prise à la conquête de Constantinople par ce cher seigneur, si beau, si vaillant, si preux (1).
« Après la Pâque entor de la Pentecostc (2 juin 1202) encomeneierent à movoir li pelerin de a lor païs. Et sachiez que mainte lerme i fu ploree de pitié al departir de lor païs de lor genz et de lor amis (2). »
Robert de Clari nous fait connaître un certain nombre d'Artésiens et de Picards qui accompagnèrent le comte de St-Pol et le seigneur de Flixecourt, Vignacourt, Flesselles.
Parmi les derniers dont beaucoup étaient vassaux de Pierre d'Amiens, on remarque:
« Thumas uns clerc, ses frères, qui canoincs estoit d'Amiens (3), Willames d'Embreville (1), Aleaumes de Clari en Aminois li clercs (2), qui moult y fu preus et moult y fist de hardement et de proesches. »
Parmi les seconds :
Beauduins de Biauveoir (3), Mahiex de Wauslainscourt (4), Wistasses de Canteleu (5).
Enfin nous signalons encore de notre région :
« Mesires Enguerrans de Bove (6), lui quart do quart de frères : li uns en eust à nom Robers, li autres Hues, et uns clercs leurs frères, Nicholes de Malli (l), Mahiex de Monmorenchi li castelain de Corbie, Aleaume de Sains, (2) Villerames de Fontaines (3).
On connaît, le sort de cette croisade.
Les Vénitiens, pour prix du transport, détour¬nèrent les pèlerins à la prise de Zara, puis on alla, sous l'influence du marquis de Montferrat, à Constantinople, détrôner Alexis III l'Ange et le remplacer par Isaac II et son fils Alexis IV.
Après l'assassinat de ces derniers par Murzuphle, les Latins attaquèrent, une deuxième fois, Constantinople et partagèrent l'empire.
Dans ce haut fait, les Picards firent merveille (13 avril 1204). Pierre d'Amiens, qui paraît avoir de la décision et du coup d'œil, débarque avec une poignée d'hommes pour faire diversion et permettre aux croisés, qui ont pris deux tours, d'avancer sur les murailles.
Nous laissons la parole à Robert de Clari qui joua le rôle d'acteur dans cet audacieux coup de main (1).
« Quant ils furent descendu, si wardent avant, a si veoient il une fausse posterne dont li uis avoient esté osté, si estoit murée de nouvel ; si vient il là (Pierre d'Amiens), si avoit avec lui bien X chevaliers et bien lx. serjans. Si i avoit i. clerc, (Aleaume de Clari avoit à nom), qui si estoit preus en tous besoins, que ch'estoit li premiers à tous les assaus où il estoit ; et à le « tour de Galatha prendre, fist chis clers plus de proesches, par sen cors un pour un. que tout chil de l'ost, fors seigneur Pierron de Braiechoel... (2). Quant il furent venu à chele posterne, si commenchierent à pikier moult durement, et quarel voloient si dru, et tant i getoit on de pierres de lassus des murs que il sanloit en aises k'il y fussent enfoi ès pierres, tant en i getoit on ; et chil de desous avoient escus et arges dont il couvroient chiaus qui pikoient a le posterne ; et getoit on leur de lassus pos plains de pois boulie, et fu Griois, et grandesmes pierres, que ch'estoit miracles de Dieu que 011
ne les confondoit tous ; et tant i soufîri mesires Pierres et se gent,d'ahans et de grietés que trop ; et tant pikierent à chele posterne de hasches, et de boines espées, d'ès debous et de pis, que il i fisent i. grant pertuis, et quant chele posterne fu perchie, si eswarderent parmi, et virrent tant de gent, et haut et bas, que sanloit demis li mondes i fust, si qu'il ne s'osoient enhardir d'entrer i.
« Quant Aleaumes li clers vit que nus n'i osoit « entrer, si sali avant, et dist qu'il i enterroit : si avoit illuec un chevalier, i. sen frère, (Robers « de Clari avoit à nom'i qui li deiïendi, et qui dist qu'il n'i enterroit mie, et li clers dist que si feroit ; si se met ens à piés et à mains, et quant ses frères vit chou, si le prent par le pié, si commenche à sakier à lui, et tant que, maugré sen frère vausist ou ne dengnast, que li clers i entra. Quant il fu ens, se li keurent sus tant de ches Grieus que trop, et chil de deseur les murs li acueillent à geter grandesmes pierres ; quant li elers vit chou, si sake le coutel, si leur keurt sus, si les faisoit aussi fuir devant lui comme bestes, si disoit à chiaus de defors, à seigneur Pierron et à se gent : Sire, entres hardiement, je voi qu'il se vont a moult desconfisant et qu'il s'en vont fuiant, Quant mesires Pierre 0i chou, et se gent qui par dehors erent, si entra ens mesires Pierres et se gent si ne fu mie plus que li disime de chevaliers, mais bien i avoit lx. serjans avec lui, et tout estoient à piés laiens. Et quant il furent eus, et chil qui estoient seur les murs et et en chel endroit, les virrent, si eurent tel peur qu'il n'oserent demorer en chel endroit. ains widierent grant partie du mur, si s'enfuirent qui miex miex ; et li empereres Morchofles li traîtres eatoit moult près d'illuec, à mains dele getée d'un cailleu, et faisoit sonner ses buisines d'argent, et ses tymbres, et faisoit un moult grant beubant.
« Quant il vit monseigneur Pierron et se gent qui estoient ens à pié, si fist moult grand sanlant de lui corre sus, et de ferir des esperons, et vint bien dusques en mi voies ; quant mesires Pierres le vit venir, si commencha à reconforter se gent et à dire : «Or, Seigneur, or du bien faire, nous arons jà le bataille ; veschi l'empereur, où il vient ; wardes qu'il n'i ait si hardi cc qui refust ariere, mais or penses du bien faire.
Quand Morchofles (1) li traîtres vit qu'il ne « fuiroient nient, si s'arresta, et puis se retorna ariere à ses tentes. Quant mesires Pierres vit que li empereres fu retornés, si envoie il i, troupe de ses serjans à une porte qui près estoit d'illuec,et kemenda que on le despeschast, et que on l'ouvrist ; et chil alerent, si commenchent à buskier et à ferir à chele porte et de haches et d'espées, tant qu'il rompirent les verax de fer qui moult estoient fort, et les flaiaus, et qu'il ouvrirent le porte. »
Les croisés entrent, Murzuphle s'enfuit. La cité était prise. Le pillage commença et dura les 14, 15 et 16 avril. Une éclipse de lune y mit fin (1).
Puis vint le partage du butin : après, l'élection et le couronnement du comte Baudoin de Flandres comme empereur.
Dans l'expédition de Salonique, pour prendre possession de cette ville et de la région environnante, il y eut de nombreuses pertes par suite de maladies (1204).
« Àdont si avint moult grans damaches et moult grans deus en l'ost, que mesires Pierres a d'Amiens, li biaus et li preus mourut au repairicr, à une chité (le Blanche l'apeloit-on (2) qui estoit moult près de Philippe, là où Alixandres fu nés) et si i moururent bien 1. chevaliers (3),
Peu après, au commencement de 1205 (mars ou avril) le comte de Saint-Pol fut aussi enlevé de maladie.
« Après si avilit moult grans damaches eu l'ost « que li cuens de Saint-Pol morut, ne demora waires (1), »
Robert de Clari voit disparaître la dernière personne le rattachant à son pays et à la famille d'Amiens.
Dans sa chronique, huit pages contiennent, depuis la mort de son suzerain, ses impressions du milieu de 1204 au milieu de 1216.
Il semble avoir perdu tout entrain pour relater les faits qui se passent autour de lui et être envahi par l'indifférence depuis la rupture du lien de vassalité qui l'unit à Pierre d'Amiens, ou plutôt Robert de Clari, revenu en Amiénois, termine sa chronique d'après des récits de compagnons d'armes rentrés au pays après lui, car il semble avoir été de retour vers J206 : il rapporta de Constantinople des reliques qui enrichirent le trésor de l'abbaye de Corbie.
Benoit Coquelin, dans Historiæ regalis abbaliæ Corbeiensis compendium (1) dit en «écrivant le reliquaire qui les contenait quod ex capellâ palatie Imperatoris clesumptum hue a Robillardo de Clari Constantinopolitann ex urhe delatum est.
L'éditeur M. Garnier, cite, en appendice (note A), un inventaire des reliques de Corbie écrit au commencement du XIIIe siècle où ont lit : Sanctuarium quod Robertus miles de Clari attulit Conslantinopoli. C'est par erreur qu'il donne 1200 comme date à cette pièce dont il n'indique pas du reste la provenance et qui est le manuscrit 527 de la Bibliothèque communale d'Amiens, car, à cette époque, Robert de Clari n'était pas encore parti à la croisade.
Son frère Aléaume, le vaillant clerc, l'accompagna pour rentrer au pays ; il mourut chanoine d'Amiens, donnant au Chapitre la dîme de Blangy et son anniversaire se disait le 17 juin (15° jour des calendes).(2)
Corbeiensis compendium , dit en décrivant le reliquaire qui les contenait quod ex capellâ pala- tîe Imperatoris desumptum huc a Robillardo de Clari Constantinopolitana ex urbe delatum est.
Sources : Auteur d'une chronique de la IVe Croisade (1200-1216)
par M. Georges BOUDON
Annotations
3 Mém. de l'Acad. de Caen, loco citato, p. 118.
Les renseignements de M. Rambaud paraissent avoir été puisés dans le Dénombrement du temporel de l’évêché d’Amiens en1301 publié par Garnier (Tome XVII des Mém. de la Soc. des Antiq. de Picardie). A. la page 242, on lit au chapitre.
Vecki les chens des Grans Maisiaus d’Amiens.
« Wilars de Hailly de la maison qui fu Baudoin de Clari xij d .. .
« Jehans de Clari pour le tiers de la maison qui fu Raoul « Lenglet iiij d. . ».
II y a là des bouchers portant le nom du pays dont ils sont originaires.
Dans ce cas, est-ce un Clari venant de Clairy-Saulchoix ou de Cléry-sur-Somme ou de Cléry-lès-Pernois.
Peut-être y voit-on aussi les noms des propriétaires des immeubles, car, dans cette liste, on rencontre : l’ostelerie d’Amiens pour le maison qui fu Esrache Cuer ij (d.) payé à le Toussaint. Et l’Hôtel-Dieu n’exerça jamais le métier de boucher, il louait ses maisons.