Magister fauchait un jour du seigle dans une pièce de terre située derrière son jardin. Il en avait peut-être encore pour une heure de travail, quand un de ses camarades de cabaret vint à passer et l'accosta en disant :
- tu n'espères sans doute pas terminer ta pièce pour ce midi.
Il était alors dix heures et demie.
- Ah ! qué si est ! répliqua Magister.
- Parions un verre, répliqua l'autre.
- Allons le boire tout de suite, et pi, à midi, tu reverros nen poyer un deuxième, t'éros perdu, reprit Magister.
- D'accord ! Jean-F… qu'il en dédit.
Les deux buveurs se rendirent au cabaret voisin. Le compagnon de Magister fit servir deux grands verres d'eau-de-vie, et pour gagner son pari en retardant le maître d'école dans son travail, il profita de ce que celui-ci avait le dos tourné pour jeter une pincée de sené dans son verre.
Sans défiance, Magister, suivant son habitude, vida d'un trait le contenu de son verre et retourna à sa besogne.
A peine avait-il donné quelques coups de faux qu'il entendit des gargouillements insolites dans ses intestins. Il fut bientôt forcé de s'arrêter, puis il éprouva le besoin de se rendre au plus vite dans ses cabinets.
Revenu à sa pièce de seigle, il se vit contraint de retourner de nouveau chez lui.
Se doutant du tour que lui avait joué son camarade, et craignant de perdre son pari, il retourna à son travail, et, ôtant sa culotte, ses souliers et ses bas, il se mit à faucher en chemise. De sorte qu'il ne prit plus la peine de s'arrêter, et, tout en fauchant, il laissait libre cours aux évacuations alevines, amendant ainsi son champ pour l'année suivante.